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Louis XIV : la mort à vif
Marc Hersant
HERSANT Marc, « Louis XIV : la mort à vif », Dix-septième siècle, 2015/4 (n° 269), p. 583-588.
Extrait de l’article
Saint-Simon et Voltaire sont les deux historiens majeurs de Louis XIV, ceux qui ont traversé le temps et continueront à le traverser, laissant loin derrière eux les historiens d’hier, d’aujourd’hui et de demain les mieux informés, les plus intelligents, les plus scrupuleux, les plus décidés à entretenir, à nuancer ou à démolir le mythe, et qui pourtant seront toujours dépassés un jour ou l’autre, alors que Saint-Simon et Voltaire ne le seront jamais. Historien, Voltaire, qui s’est voulu l’agent d’une véritable révolution historiographique, l’est évidemment. Historien, Saint-Simon, qui ne cesse de proclamer que ses Mémoires sont une œuvre d’histoire, et les range dans le domaine de ce que son époque appelle « histoire particulière », l’est aussi, si toutefois écrire l’histoire cela peut être « mettre son lecteur au milieu des acteurs de tout ce qu’il raconte, de sorte qu’il croie moins lire une histoire ou des mémoires, qu’être lui-même dans le secret de tout ce qui lui est représenté, et spectateur de tout ce qui est raconté ». D’une certaine manière, leurs œuvres nous proposent aussi deux Louis XIV dont nous ne sommes pas débarrassés. Leur dialogue en grande partie involontaire. ontinue à être le nôtre, et alors que les apôtres du règne continuent à trouver beaucoup d’arguments chez Voltaire, ceux qui cherchent à en donner une image plus réservée voire négative puisent tout aussi souvent leur matière première chez Saint-Simon. Pendant cette année 2015, à l’occasion du tricentenaire de la mort Louis XIV, il y aura eu bien des polémiques et des jugements différents sur la personne et sur le règne de Louis XIV. Sont-ils vraiment sortis du débat qu’on peut penser à partir d’une lecture comparée de Voltaire et de Saint-Simon, qui ont toujours été, et seront toujours, les deux voix qui comptent sur Louis XIV ? Cela reste à montrer.
D’un côté, celui de Voltaire, un roi monumentalisé et stylisé, représenté le plus souvent de profil dans une prose d’une noble sobriété qui, dédaigneuse des détails, ou soucieuse de les intégrer à une vision d’ensemble, fait du roi la métonymie de son règne.
