Un "assez grand roi": Le Louis XIV de Saint-Simon
Yves Coirault
Yves Coirault, Un "assez grand roi": Le Louis XIV de Saint-Simon, dans Revue d’histoire littéraire de la France, année 69 (1969), n. 3-4, p. 385-392.
Extrait de l’article
Depuis près de deux siècles qu’il est des «saint-simoniens» et qui pensent, certaines lignes des Mémoires ont suscité bien des sarcasmes. Elles ne laissent pas d’encore étonner les esprits les plus rebelles à l’idolâtrie louis-quatorzienne ou les plus enclins au paradoxe: «L’esprit du Roi étoit au-dessous du médiocre, mais très capable de se former [...] Le croira-t-on? il étoit né bon et juste, et Dieu lui en avoit donné assez pour être un bon roi, et peut-être même un assez grand roi.» Ce sont de ces phrases qui — tel le portrait de Villars — nous «restent dans les yeux», et dont l’audace, sinon la beauté, est «imprévisible». Expert en ces brusqueries péremptoires et ces brisures de rythme qui emportent la pièce, Saint-Simon n’ignorait pas l’efficacité d’une venimeuse clausule. Encore pour bien juger de leur signification — c’est-à-dire des intentions de l’écrivain — convient-il de peser exactement les termes et de replacer les formules dans le vaste contexte du «Tableau du règne», et plus généralement d’une pensée historique dont l’originalité ne se limite pas à la démolition du héros non plus qu’à la «profondeur» (comme disait Stendhal) d’un style compassé et percutant.