Entretien avec Philippe Contamine
Philippe Contamine, Caroline zum Kolk
Comment citer cette publication :
Philippe Contamine, Caroline zum Kolk, Entretien avec Philippe Contamine, Paris, Cour de France.fr, 2013. Interview publiée en ligne le 1er octobre 2013 (https://cour-de-france.fr/article2885.html).
Philippe Contamine est professeur émérite de l’université Paris-Sorbonne, spécialiste de la guerre, du pouvoir et de la noblesse à la fin du Moyen Âge, sujets auxquels il a consacré un grand nombre d’études. Son dernier livre porte sur Jeanne d’Arc (Philippe Contamine, Olivier Bouzy et Xavier Hélary : Jeanne d’Arc. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 2012).
Jeunesse et formation
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C. zum Kolk : Vous êtes né en 1932 à Metz ; avez-vous passé votre jeunesse dans cette ville ?
P. Contamine : Non, seule ma première enfance. Ma famille a des origines savoyardes lointaines ; du côté de ma mère, elle vient de la Picardie et des Vosges, du côté de mon père essentiellement du Nord, c’est-à-dire le Hainaut et la Flandre ; mon père est né à Lille.
Je suis né à Metz un peu par hasard. Après la guerre de 1914-1918, il se trouve que mon père, qui s’était engagé très jeune (17 ans), ne savait pas très bien de quel côté se tourner, et il a décidé finalement de devenir historien. Il a passé l’agrégation d’histoire pour pouvoir enseigner et a obtenu un poste à Metz où il s’est installé comme professeur au lycée (il n’y en avait qu’un seul à l’époque). Il a fait ensuite une thèse de doctorat ès lettres sur Metz et la Moselle au XIXe siècle [1]. Et il a rencontré ma mère. Trois de leurs cinq enfants, mon frère aîné, l’aînée de mes sœurs et moi sommes nés dans cette ville. Après sa thèse, mon père a été nommé professeur d’histoire moderne et contemporaine à la faculté des lettres de l’Université de Caen. Nous avons quitté Metz en 1936, quand j’avais quatre ans, et j’ai fait quasiment toutes mes études secondaires au lycée Malherbe à Caen. Ma jeunesse a été bien plus normande que lorraine. Et cependant, quand je reviens à Metz, par exemple pour un colloque, c’est toujours avec quelque nostalgie.
C. zum Kolk : Vous avez donc vécu de plein fouet les événements qui se sont déroulés à Caen pendant la deuxième guerre mondiale ?
P. Contamine : Absolument, et cela a compté dans mon expérience. Il se trouve que ma grand-mère paternelle était anglaise par son père, Samuel Curtis, allemande par sa mère. Elle avait connu trois guerres : la guerre de 1870-1871, la première et la deuxième guerre mondiale. À cause de cette double racine, la situation était complexe pour elle et elle nous en parlait, à mon frère et à moi, assez volontiers. Elle penchait sans hésiter du côté anglais, mais elle n’oubliait pas que sa mère, née Krako, était d’Aix-la-Chapelle, et cela comptait aussi. Voilà un élément de ce que je pourrais appeler mon « expérience européenne ».
Nous avons passé toute la guerre à Caen et nous étions là au moment des grands bombardements et de la destruction de la ville en juin 1944. C’étaient des épreuves à la fois intéressantes et fortes.
C. zum Kolk : Est-ce que votre scolarité a été perturbée par la guerre ?
P. Contamine : Non, il n’y a pas eu beaucoup d’interruptions de ce point de vue. J’ai fait à Caen mes études primaires, puis secondaires, jusqu’à la classe de première. Mon père a également continué à enseigner à la faculté des lettres. La vie continuait, en dépit de tous les bouleversements et les perturbations que vous pouvez imaginer.
Après la guerre, nous avons quitté Caen et nous nous sommes rapprochés de Paris, parce que mes parents pensaient que pour l’avenir de leurs enfants, et surtout de leurs chers fils, il valait mieux être à Paris qu’à Caen. J’ai fait ma terminale au lycée Hoche à Versailles et j’ai obtenu le baccalauréat en 1949.
C. zum Kolk : Qu’est-ce qui vous a décidé ensuite à faire des études d’histoire ?
P. Contamine : J’ai toujours baigné dans l’histoire puisque mon père était professeur d’histoire. L’histoire était mon horizon pour ainsi dire naturel, en tout cas quotidien. Mais j’ai hésité. Mes parents auraient sans doute souhaité que je fasse du droit. Mais j’avais bien aimé ma classe de
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terminale de philosophie au lycée Hoche, et j’ai choisi la faculté des lettres plutôt que la faculté de droit. C’est ainsi que j’ai préparé au lycée Louis-le-Grand le concours d’entrée à l’École normale supérieure (que je n’ai pas réussi). L’hypokhâgne et la khâgne, c’est très polyvalent : on fait de l’histoire, de l’anglais, de l’allemand ou toute autre langue vivante, des lettres classiques, des lettres modernes, de la philosophie. J’avais donc le choix et, peut-être par défaut plus que par vocation, je me suis dit : pourquoi pas l’histoire ? J’avais le goût de ça, et il y avait la bibliothèque de mon père... J’ai donc choisi l’histoire, c’est-à-dire le professorat. Il fallait passer l’agrégation d’histoire, ce que j’ai fait en 1956.
C. zum Kolk : Vous avez décidé de faire une thèse pendant que vous commenciez à travailler comme professeur de lycée ?
P. Contamine : Oui, j’ai été professeur au lycée de Sens puis au lycée Carnot à Paris. C’était relativement facile à l’époque : je crois qu’aujourd’hui, les carrières dans le secondaire sont plus lentes et plus compliquées. Il faut dire aussi que j’ai fait un service militaire assez long en Algérie, et cette expérience a joué un rôle très important dans mon choix. J’ai été frappé par deux choses. Premièrement, l’institution militaire, avec ses grandeurs et ses servitudes (à mon niveau beaucoup plus de servitudes que de grandeurs !). Et ensuite, la guerre (le courage, la peur, la violence légitime). Et les bouleversements que la guerre – qu’il s’agisse d’une guerre coloniale ou de tout autre – entraîne, provoque dans la société, à tous égards : bouleversements institutionnels, bouleversements sociaux, économiques, mentaux… Donc, cette expérience, vécue de l’intérieur, mois après mois (car la situation évoluait très vite), a été pour moi, très intéressante, je dirais formatrice.
Alors, quand je suis rentré à la fin de mon service militaire, je ne savais pas très bien de quel côté m’orienter. J’avais fait un mémoire, un « diplôme d’études supérieures » en histoire ancienne, sous la direction de William Seston [2] (mon sujet portait sur l’étude du personnel politique de Tibère). J’avais consciencieusement scruté les inscriptions, j’avais lu Tacite (quel auteur !) et j’ai constaté que tout cela était déjà très travaillé. J’avais simplement repris tout ce que d’immenses érudits, surtout allemands, avaient admirablement fait. J’étais un peu découragé et me suis dit que l’histoire ancienne, c’est finalement assez fermé, un champ épuisé à force d’avoir été trop labouré... ou alors il faut être archéologue, ce que je n’étais pas. Les communications relatives à l’Antiquité prononcées lors des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres me font maintenant penser que j’avais tort.
D’autre part, au moment de l’agrégation d’histoire, l’une des questions au programme traitait de la féodalité et de la seigneurie du XIe au XIIIe siècle en Europe ; cela concernait à la fois l’Angleterre, la France, l’Empire et l’Italie. Pas l’Espagne, je ne sais trop pourquoi. Parmi tous les sujets, c’était la question qui m’avait le plus passionné. D’autant que je n’étais pas du tout familiarisé avec la période médiévale. Dans les khâgnes d’alors, on apprenait l’antiquité grecque, l’antiquité romaine, mais l’Ancien Régime absolument pas. Après l’Antiquité, on passait à 1789, la sacro-sainte Révolution... Donc, la période allant de la fin de l’Empire romain (et encore, ça s’arrêtait à Dioclétien au mieux, ou plutôt à Marc Aurèle) jusqu’à la Révolution, c’était quelque chose qu’on n’apprenait pas à l’époque, qu’on n’enseignait pas. C’était la période que je
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connaissais le plus mal et que j’ai pratiquement découverte en 1955-1956, au cours de mon année de préparation à l’agrégation. J’avais eu une très bonne note que m’avait accordée celui qui avait choisi cette question : Robert Boutruche [3]. Et c’est ainsi que je suis entré en contact avec lui. Il n’était pas encore à la Sorbonne à l’époque, il était directeur d’études à l’École pratique des hautes études et professeur à l’université de Strasbourg.
J’ai repris contact avec Robert Boutruche lorsque je suis rentré d’Algérie. Il était un maître assez exigeant et directif, plutôt déconcertant. Nous n’avions pas toutes les idées en commun, mais cela n’a rien à voir. Concernant la thèse il me disait : « c’est à vous de trouver un sujet, ce n’est pas moi qui vous l’imposerai ».
La guerre à la fin du Moyen Âge
J’ai alors fait le tour des maîtres de la Sorbonne dont j’avais suivi l’enseignement, Robert Fawtier [4], Charles-Edmond Perrin [5], et quelques autres. Plusieurs choix se présentaient. C’était l’époque où on aimait l’histoire de France régionale, étudier une région en épluchant toutes les sources possibles relatives à cette région. Alors, après tout, j’avais été professeur au lycée de Sens : pourquoi pas les campagnes de la région de Sens ? Et puis Charles-Edmond Perrin m’avait suggéré les justices féodales. Un sujet aussi intéressant que difficile, que je n’ai pas retenu. Je n’en ai pas saisi la portée à ce moment-là. À la fin, j’avais sélectionné trois sujets possibles. À savoir Paris à la fin du Moyen Âge, XVe-début XVIe siècle. Jean Favier n’avait encore rien publié à ce sujet, par conséquent il y avait quelque chose à faire, incontestablement. Deuxièmement, l’université de Paris à la fin du Moyen Âge... Ce livre manque toujours en quelque sorte. Dans les deux cas, je n’ai pas été encouragé. On m’a dit que quelqu’un travaillait déjà sur Paris, qui n’était du reste pas Jean Favier mais Anne Terroine [6], donc impossible, chasse gardée. Le sujet de l’Université avait été plus ou moins monopolisé par un prémontré américain, Astrik Gabriel [7]. Donc finalement, je me suis orienté vers le troisième sujet, qui était tout simplement « La guerre à la fin du Moyen Âge ». Déjà sensibilisé à cette question, j’ai prospecté ; j’ai vu qu’il y avait des chroniques, des témoignages, des traités : Froissart, Commynes, Jean de Bueil et quelques autres. Et surtout qu’il y avait de très belles sources documentaires. La guerre, c’est l’État et les archives de l’État, à partir de la fin du Moyen Âge surtout, sont abondantes ; jamais suffisamment abondantes, mais abondantes quand même. Ces fonds avaient été plus ou moins négligés par les médiévistes qui ne s’intéressaient pas à ce type de sujet. Les médiévistes sont des gens pacifiques, n’est-ce pas ? [rires]. Donc, la guerre c’était un non-objet en quelque sorte. C’était le mauvais côté de l’histoire. À quoi bon l’exhumer ? Du coup il y avait là une lacune historiographique. À l’époque, le climat universitaire français n’était pas très accueillant pour ce type de sujet. Inutile de dire que je ne regrette pas mon choix.
C. zum Kolk : Votre père, Henry Contamine, a publié en 1957 La Revanche 1871-1914 [8], livre qui traite également d’un chapitre de l’histoire militaire. Est-ce qu’il y a un lien ?
P. Contamine : Oui, incontestablement. À côté de l’expérience algérienne dont je vous ai parlé et qui était très importante (le souvenir s’en est bien sûr estompé depuis, mais je m’efforce toujours de suivre l’historiographie du sujet), il y avait le fait que mon père s’intéressait à l’histoire militaire. C’était l’un de ses thèmes, je dirais presque, de prédilection. Voilà. Je suis un héritier. Pas un
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successeur, mais un héritier, incontestablement. J’ai fait la même profession que mon père, et en un sens, même pour une autre période, je me suis intéressé à des thèmes que lui-même avait traités. Mais le hasard, j’y insiste, a aussi joué un rôle.
C. zum Kolk : Vous avez pris en considération trois sujets...
P. Contamine : Oui. Et c’était peut-être le troisième, celui que j’ai finalement retenu, qui était au départ le moins évident.
C. zum Kolk : Certains historiens avaient abordé l’histoire militaire médiévale, comme Charles-Germain-Marie Bourel de la Roncière, Joseph Garnier, Robert Fawtier, René Gandilhon, Ferdinand Lot… mais ils ne traitaient généralement qu’un aspect partiel du sujet.
P. Contamine : J’avais une caution scientifique : c’était Ferdinand Lot, archiviste-paléographe, professeur à la Sorbonne, membre de l’Institut. Un immense érudit, un personnage considérable, un homme de conviction – que je n’ai pas connu naturellement –, mais qui a écrit juste après la deuxième guerre mondiale L’Art militaire et les armées au Moyen Âge en Europe et dans le Proche-Orient. Au soir de sa vie, ce très grand savant avait été éprouvé dans sa famille par la guerre ; c’est pour ça qu’il s’était intéressé à ce sujet. J’avais cette référence, mais Ferdinand Lot avait une vision un peu restreinte, issue d’une idée assez pessimiste du Moyen Âge. Son obsession c’était de démontrer que ces armées étaient toutes petites. De même que, pour lui, les villes médiévales étaient toutes petites. Donc, ces armées, ces petites bandes de guerriers dotés d’une organisation rudimentaire contrastent avec les grandes armées de l’Antiquité, reflets d’États puissants. Pour Ferdinand Lot (ça se voit du reste dans toute sa réflexion), d’une certaine manière la chute de l’Empire romain a fait repartir l’humanité occidentale à zéro.
C. zum Kolk : Karl-Ferdinand Werner a traité le sujet de la périodisation Antiquité / Moyen Âge et de ses dérives dans son livre sur la noblesse [9]...
P. Contamine : Et voilà. J’ai bien connu Karl-Ferdinand Werner, devenu, au fil des années, je peux le dire un ami. Même s’il était plus âgé que moi, et malgré tout son prestige.
C. zum Kolk : Votre thèse, soutenue en 1969 et éditée trois ans plus tard [10], a été accueillie très favorablement; André Chédeville souligne dans un compte rendu l’originalité du sujet, mais aussi son traitement, la méthodologie [11]. Vous n’avez pas considéré l’armée comme un univers clos, une institution dont il suffit de retracer l’évolution, mais vous avez fait un lien avec d’autres questions et thématiques : le contexte politique, la géographie, la société de l’époque...
P. Contamine : En effet, c’est ce que j’ai voulu faire. Il ne m’appartient pas de dire si j’y suis parvenu. Du moins je me suis aperçu que ce travail rencontrait un certain écho, répondait même à une certaine attente. Et j’ai fait ma carrière à partir de ce travail, même si j’ai essayé depuis de diversifier ma palette, car je me considère comme un omnipraticien de l’histoire du Moyen Âge tardif. Je suis devenu assistant à la Sorbonne grâce à Robert Boutruche, qui est mort prématurément et dont j’ai organisé les mélanges [12] qui ne sont malheureusement parus qu’après sa mort. J’ai eu comme collègues des gens que je n’ai jamais perdus de vue, qui sont devenus des amis, notamment Pierre Toubert [13], Robert Delort [14], Charles de La Roncière [15], Michel Rouche [16]. Ensuite je suis devenu maître de conférences à l’université de Nancy (qui en 1971 est devenue Nancy II) où j’ai achevé ma thèse. Pour des raisons diverses et variées, je suis revenu à Paris,
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d’abord à l’université Paris X-Nanterre où j’ai fait un très long séjour, j’y suis resté seize ans. Les onze dernières années de ma carrière universitaire se sont déroulées à la Sorbonne Voilà. Ça a été assez rectiligne, avec le passage obligé en province (à l’époque ça se faisait), suivi du retour à Paris.
La guerre de Cent Ans et l’État bourguignon
C. zum Kolk : Vous publiez dans ces années de nombreux articles et livres qui traitent de la guerre de Cent Ans et de l’armée, mais vous commencez aussi à aborder le sujet de la Bourgogne. En 1976 a eu lieu un colloque important qui traitait de la bataille de Morat [17].
P. Contamine : Oui. Dans ma contribution à ce colloque, j’expose ma vision de l’histoire singulière de l’État bourguignon, entre France et Empire.
C. zum Kolk : Vous avez suivi aussi la recherche du côté de l’Angleterre.
P. Contamine : Absolument. J’ai été très influencé par l’historiographie anglaise. D’autant plus que mes collègues d’Oxford (plus encore que ceux de Cambridge), que je n’ai jamais perdu de vue, s’intéressaient nettement plus à l’histoire militaire que de ce côté-ci de la Manche. L’un d’eux est récemment disparu, Maurice Keen, qui a écrit un superbe livre, au large retentissement, intitulé Chivalry [18]. Je l’ai connu à Oxford parce que j’ai été fellow de All Souls College, et nous sommes demeurés en contact ; je l’ai invité en France pour intervenir dans un colloque à Lille. La trace anglaise est importante dans mon parcours.
C. zum Kolk : C’est une spécificité des historiens français qui travaillent sur les XIVe-XVe siècles, et sur la guerre de Cent Ans…
P. Contamine : En effet - une guerre, ça se fait à deux normalement [rires], et parfois plus. Il ne faut jamais oublier qu’il faut regarder des deux côtés ! Et c’est le mérite d’un autre de mes maîtres que je n’ai pas cité jusqu’à présent, Édouard Perroy, qui en 1945 a écrit La guerre de Cent Ans [19]. J’apprécie beaucoup cet ouvrage, bien qu’à mon goût il n’accorde pas à Jeanne d’Arc suffisamment d’importance (je ne suis pas sûr que le sort de la Pucelle ait suscité chez lui beaucoup d’émotion).
C. zum Kolk : Françoise Autrand a obtenu grâce à lui un poste d’assistant en 1965 [20]…
P. Contamine : Pour moi, c’était Robert Boutruche qui a joué ce rôle. Les deux personnages ne s’entendaient d’ailleurs pas très bien. Mais j’étais quand même assistant au sein de l’équipe dont le chef était Édouard Perroy.
C. zum Kolk : La question de la France anglaise a été un autre sujet en vogue à l’époque...
P. Contamine : Oui.
C. zum Kolk : Peut-on penser que l’occupation allemande, qui datait d’à peine vingt ans, a joué un rôle dans l’intérêt qu’on portait à cette question ?
P. Contamine : C’est possible, effectivement. En disant « la France anglaise » on pense surtout aux années après 1420, après le traité de Troyes. L’emploi de l’expression est-il justifié ? Est-ce que les Français, les Français de Paris ou les Français de Rouen, de Caen ou d’ailleurs, se sentaient occupés ? Ce n’est pas évident. Ma conclusion est que, notamment en Normandie, où la présence anglaise, à travers un quadrillage militaire serré, se faisait continuellement sentir, les gens ont
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vécu une occupation, suivie d’une libération quand les Anglais, vaincus, sont partis. La notion d’occupation est valable pour la Normandie anglaise (The First English Colony d’après Christopher Allmand) entre 1420 et 1450. À Paris ce n’était pas la même chose. On doit parler d’une domination anglaise et non d’une occupation.
Jeanne d’Arc et la question de la « guerre juste »
C. zum Kolk : À la fin des années 1970 apparaît un nouveau sujet dans vos publications : Jeanne d’Arc [21].
P. Contamine : Si vous regardez ma thèse, elle se manifeste à peine. On avait tellement écrit sur elle ! À cette époque, je ne me croyais pas en mesure d’ajouter grand-chose. Et puis, il se trouve qu’en 1970, je crois, juste au moment où ma thèse a été publiée, on m’a demandé une conférence à Rouen. J’ai décidé d’entreprendre une comparaison des armées anglaise et française au moment du siège d’Orléans de 1429. Et là je me suis aperçu que, contrairement à ce que j’avais pensé, bien des aspects de cette immense histoire étaient négligés. C’est donc à partir de 1970 que je me suis progressivement introduit dans le sujet. Et en 1979, on m’a demandé de participer à un colloque organisé à Orléans par Régine Pernoud - un personnage assez extraordinaire. Ce colloque s’appelait « Jeanne d’Arc, une époque, un rayonnement ». Je me suis posé la question de savoir si la guerre de Cent Ans avait été une guerre juste, et j’ai découvert que lors du procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, il y avait eu des mémoires écrits par des théologiens, des canonistes, qui posaient formellement la question, ce qui est assez rare au Moyen Âge où l’on s’en tient souvent aux généralités. Jeanne d’Arc, avait-elle participé à une guerre juste, selon les critères de l’époque qui concernent premièrement la personne (qui doit être laïque) ; deuxièmement le but (rétablir la justice et la paix), troisièmement la cause (qui doit être nécessaire), quatrièmement l’esprit, et cinquièmement l’autorité de celui qui la déclare et la mène ? Dans mon exposé, j’avais estimé être assez nuancé, pesant le pour et le contre, mais mes collègues anglais qui assistaient au colloque m’ont dit : « A piece of Valois propaganda! » [rires] [22]. Voilà pour ma deuxième incursion dans le sujet, plus importante que la précédente parce que j’avais vraiment remué l’ensemble des sources... Et il se trouve qu’il y a à Orléans un Centre Jeanne d’Arc ouvert au public, que Régine Pernoud avait fondé [23]. Et je lui ai succédé en 1985 ; j’étais directeur scientifique de ce centre en même temps que professeur à Nanterre. Je me suis investi dans le sujet que je n’ai jamais perdu de vue depuis. Mais je n’étais pas tout jeune, j’avais quand même plus de cinquante ans ! Je n’étais pas prédestiné à être l’historien de Jeanne d’Arc. Le sujet est très, très compliqué, très intéressant, avec des points à débattre, des enjeux, et de très belles sources qu’il faut savoir situer, interroger, interpréter, critiquer. Il m’a réellement passionné.
C. zum Kolk : Revenons brièvement à Régine Pernoud : vous avez dit qu’il s’agissait d’un personnage assez extraordinaire…
P. Contamine : C’était une femme de caractère. Elle était archiviste-paléographe et considérait que seuls les archivistes-paléographes font de la vraie histoire ; les autres sont des romanciers, des universitaires, et c’est tout dire. Après une thèse très érudite sur le commerce à Marseille [24], elle n’avait pas réussi à entrer dans l’enseignement supérieur. C’était avant la guerre de 1939, il y avait
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très peu de postes disponibles et d’autre part, elle disait que les femmes, à mérite égal, étaient régulièrement écartées ; elle avait donc ces deux handicaps, son sexe et l’absence de débouchés. Elle avait travaillé ensuite aux archives de Reims, puis aux Archives nationales, et y avait réorganisé avec un grand sens pédagogique le Musée de l’Histoire de France. Surtout, elle avait réussi à convaincre la Ville d’Orléans de créer en 1974, avec l’appui à la fois d’André Malraux et de Michel Debré, ce Centre Jeanne d’Arc qui existe toujours. Elle n’était pas facile à manier, mais avait incontestablement à la fois du talent et de l’énergie. Elle a voulu remettre en valeur le Moyen Âge, la face lumineuse du Moyen Âge, dans une perspective chrétienne. C’est pour ça du reste que j’ai fait la nécrologie de Régine Pernoud dans la Bibliothèque de l’École des chartes. Et je pense que je n’ai pas été injuste envers cette figure à l’incontestable renom, notamment dans les milieux cultivés catholiques [25].
Du « peuple des nobles »
C. zum Kolk : Vous avez mené dans ces années des recherches très importantes sur la noblesse.
P. Contamine : Tout à fait. J’ai eu successivement trois centres d’intérêt principaux, liés entre eux : la guerre, la noblesse, le pouvoir. La continuité est évidente. Avec Françoise Autrand, j’ai conduit pendant des années un séminaire sur la noblesse et sur le pouvoir, d’abord à Nanterre, puis à l’École normale supérieure de jeunes filles, boulevard Jourdan, et ensuite alternativement à l’École normale supérieure, rue d’Ulm, et à la Sorbonne. Nous avons collaboré de façon très étroite. Nous nous sommes épaulés.
Dans mon travail sur la noblesse, je souhaitais étudier le peuple des nobles, le commun des nobles. Cette noblesse enracinée, locale, avait un niveau de vie comparativement modeste : simplement subsister en ces temps difficiles (c’était la fameuse dépression de la fin du Moyen Âge) était une préoccupation lancinante. Et j’ai voulu en particulier la quantifier. Je ne suis pas parvenu à des résultats aussi assurés que ce que j’aurais souhaité. Mais enfin, pour le XVIe siècle, Michel Nassiet [26], avec des sources meilleures que les miennes, a tiré à peu près les mêmes conclusions.
Premièrement, la noblesse était très minoritaire, mais la situation était contrastée selon les régions : entre 1 et 4 % de la population. Il y a des provinces du royaume de France où elle est rare et d’autres où elle est dense, et ce phénomène s’observe depuis très longtemps. Je n’arrive pas à l’expliquer, mais je le constate. Les raisons se situent en amont de la période que j’ai étudiée, commençant vers 1300 et s’achevant vers 1500.
Deuxièmement, au niveau du royaume, entre 1,5 et 2% de la population est noble, ce qui est à la fois important et très minoritaire. Pour trouver ces chiffres, je me suis donné beaucoup de mal, peut-être pour des résultats qui ne valaient pas la peine - je n’en sais rien. Il fallait quand même peser ce phénomène, parce que je crois que le qualitatif, en histoire, ne suffit pas. Le chiffre, même pour ces époques préstatistiques, importe. Combien d’écuyers, combien de chevaliers simples, combien de chevaliers bannerets ? Par exemple, on n’avait guère remarqué la raréfaction progressive du titre de chevalier à travers les deux siècles envisagés. La mentalité chevaleresque, la référence chevaleresque subsiste, mais il y a effectivement de moins en moins de chevaliers.
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Cela se produit aussi en Angleterre, peut-être pour les mêmes raisons. Voilà, c’est un des résultats de mon enquête. Un autre est le fait que la noblesse est un état plutôt bien défini, stable et cohérent, avec chez ses membres un sentiment d’identité assez poussé. Les nobles s’imaginaient avoir, du bas en haut de leur hiérarchie, quelque chose en commun. Il y a les nobles et les non-nobles (une coupure fondamentale). La première question qu’on se posait aux XIVe-XVe siècles était : est-ce que cet individu en face de moi est noble ou non ?
Et pourquoi n’a-t-on pas choisi le terme de gentilhomme ? Parce que, à mon avis, noble était plus flatteur que gentilhomme, qui est uniquement une affaire de lignage, de naissance, de « race ». Alors que noble, c’est aussi une qualité : un cheval peut être dit noble, on parle d’un «noble roi », d’une « noble demeure »… Le terme est plus prestigieux, il implique ou entraîne un certain nombre de « valeurs ». Ensuite, on peut être anobli, tandis que gentilhomme, on l’est ou on ne l’est pas. Je crois que c’est pour toutes ces raisons que les termes de noble et de noblesse l’ont emporté sur ceux de gentilhomme et de gentillesse.
On se préoccupait beaucoup de ces questions, pour des raisons de droit privé et de droit public (le partage noble, inégal en raison du droit d’aînesse, l’exemption fiscale, les privilèges d’ordre judiciaire). Il existe dans les fonds médiévaux conservés aux Archives de Paris, boulevard Sérurier, une enquête de noblesse du début du XIVe siècle que j’ai eu l’occasion de consulter. Ce qui est rare pour cette époque (ce type de source devient plus fréquent au XVe). Dans ce document, on argumente que quelqu’un est noble parce qu’il vit noblement, parce qu’il fréquente les nobles, parce qu’il a des armoiries. Tous ces points sont déjà pris en compte vers 1300.
Du renouveau de l’histoire politique
C. zum Kolk : On assiste dans ces années à une réorientation, voire un renouveau, de l’histoire politique, au sein duquel Bernard Guenée à joué un rôle majeur. En 1975, il résume ainsi les thèmes qui lui paraissent primordiaux : « Cinq sujets sont à travailler : la géographie politique, la société politique, les mentalités politiques, la propagande et le sentiment national français [27]. »
P. Contamine : Bernard Guenée avait cinq ou six années de plus que moi ; comme moi, il était très lié à Robert Boutruche. Je n’ai pas été son élève, mais nous sommes entrés en contact et sommes devenus amis, une amitié qui a duré jusqu’au bout. Il a donné incontestablement à la nouvelle histoire politique toutes ses dimensions. De ce point de vue-là, je me suis inspiré de ses travaux, surtout de son maître-livre sur les États qui m’a paru être un ouvrage extrêmement stimulant, novateur, ainsi que j’ai tenté de le montrer dans une recension parue dans la Revue historique [28].
C. zum Kolk : Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt pour l’État et l’histoire politique dans les années 1980 ?
P. Contamine : Plusieurs éléments ont dû jouer. D’abord, il y avait saturation du côté de l’histoire économique et sociale classique. Ensuite, en plus de Bernard Guenée, quelqu’un avait écrit un article intitulé « L’histoire politique est-elle toujours l’épine dorsale de l’histoire ? » - c’était Jacques Le Goff [29]. Son immense talent, ses intuitions ont accompagné le mouvement. Il ne travaillait pas à la manière d’un Bernard Guenée. Jacques Le Goff, c’est les Annales incarnées : il y a Marc Bloch, Lucien Febvre, Fernand Braudel et puis Jacques Le Goff, on peut proposer cette
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généalogie. Il a ressenti l’importance non seulement de l’État, mais du pouvoir en tant que problème récurrent. C’est une notion également centrale pour Michel Foucault : où se cachent le pouvoir et les contrepouvoirs ? La question du pouvoir dépasse la question du politique : pourquoi obéit-on, pourquoi ça fonctionne, n’est-ce pas ? Songez à l’impôt : l’impôt, c’est d’abord le consentement à l’impôt. C’est ici qu’intervient la question des mentalités.
C. zum Kolk : Cela rejoint l’interrogation de Jean-Philippe Genet qui a posé la question de savoir comment un État, qui dispose finalement de peu de moyens et d’agents, a pu imposer de telles contraintes à des millions de personnes ?
P. Contamine : Voilà. L’on est ici au cœur du grand projet de recherche sur la genèse de l’État moderne [30]. Genet, qui est un élève de Bernard Guenée, a été plus loin que lui, mais à partir des prémices que Guenée avait, on peut le dire, magnifiquement établies.
C. zum Kolk : Parmi les interrogations figure la question du sentiment national et de son histoire. À partir de quand est-ce que la France existe en tant que « nation », et qu’est-ce que cela veut dire au Moyen Âge ?
P. Contamine : Je constate que ce problème se pose beaucoup moins en Angleterre. À partir de quand l’Angleterre existe-t-elle comme nation ? Depuis Bède le Vénérable [rires] ? Pour la France, c’est plus compliqué, et le débat n’est pas clos. Il renaît régulièrement. Je suis de ceux qui estiment que quelque chose qu’on peut appeler, faute de mieux, sentiment national, est assez ancien. Des Francs aux Français, avec une identité culturelle, quelque chose existe dans ce sens déjà dans la Chanson de Roland. « Nous autres Français n’avons pas talent de fuir » (« Nostre Franceis n’unt talent de fuir »). Je suis de ce point de vue-là de l’ancienne école. Cela dit, les XIVe et XVe siècles marquent incontestablement une étape et il y en aura bien d’autres par la suite.
C. zum Kolk : Vous n’êtes donc pas adepte de la théorie qu’en France, l’État a précédé la nation ?
P. Contamine : Non, car à mes yeux il faut aussi un répondant, un écho. Une propagande toute seule, dans le vide, ça ne suffit pas, il faut qu’elle soit en phase avec une attente. La formule « en France, c’est l’État qui crée la Nation » demande à être au moins nuancée.
C. zum Kolk : Dans les années 1985-1990, on commence à aborder la question du cérémonial, de la représentation, entre autres grâce aux travaux de l’école cérémonialiste américaine. Vous avez écrit en 1975 un mémoire sur l’oriflamme des rois de France ou de Saint-Denis [31] qui semble s’inscrire dans ce courant.
P. Contamine : Tout à fait. Il y avait l’école cérémonialiste américaine, avec Ernst Kantorowicz, Ralph Giesey, Richard Jackson et d’autres, et également l’école allemande, dont Percy Ernst Schramm. J’ai été très influencé par Schramm et son livre Der König von Frankreich [32]. Tout autant que par Kantorowicz. Pour Schramm, la liturgie, la cérémonie, était une manifestation sacrée du pouvoir et une dimension importante dans son exercice. Mais il faut rappeler qu’avant Schramm, il y avait quelqu’un d’autre qui m’a beaucoup influencé, c’est Marc Bloch avec son livre Les Rois thaumaturges [33]. Donc, quand j’ai écrit l’étude sur l’oriflamme, un sujet qui m’a beaucoup plu parce que c’était un sujet qu’on ne traitait pas avant, j’ai été influencé par Marc Bloch et par Schramm, peut-être plus que par Kantorowicz et son école.
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C. zum Kolk : En 1993 eut lieu un colloque « Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge [34] », qui présentait un ensemble d’enquêtes suscitées par cette nouvelle approche.
P. Contamine : Tout à fait, ce colloque est l’expression de cette nouvelle dimension qui, disons, à l’époque de mes maîtres, n’était pas jugée intéressante – au mieux anecdotique. Quelle importance que les ducs de Bretagne soient passés du cercle ducal à la couronne fermée ? Ce qui compte, ce sont leurs moyens financiers, leur force militaire, leur effort pour être à la tête de l’Église de leur duché… Et l’ouvrage de Marc Bloch, qui apparaît aujourd’hui comme un monument, un monument un peu solitaire, n’avait pas l’importance qu’il a désormais, à la suite notamment d’une réimpression précédée d’une préface de Jacques Le Goff. J’ouvre ici une parenthèse : Robert Boutruche se disait, se voulait disciple de Marc Bloch. Là encore une généalogie se dessine.
C. zum Kolk : Dans les années 1990, il y a un autre sujet qui émerge au niveau européen, c’est l’histoire des femmes. Vous avez participé au colloque organisé par Werner Paravicini Das Frauenzimmer [35], où vous traitez de la question des espaces des femmes dans les châteaux. Ensuite, vous avez publié avec votre épouse, Geneviève Contamine, un très bel ouvrage autour de Marguerite d’Écosse [36].
P. Contamine : Tout à fait. Il se trouve que ma femme est très implantée en Poitou, et dans la petite ville de Thouars, située dans cette province, sont conservés les restes mortels de la première épouse de Louis XI, Marguerite d’Écosse, dans l’abbatiale de Saint-Laon. Incités par une vielle amie, nous avons décidé d’organiser un colloque à son sujet ou plutôt autour de sa figure (la « dauphine mélancolique »). Ma femme, après des études d’histoire, a fait l’essentiel de sa carrière à l’Institut de recherche et d’histoire des textes. On y fait des recherches sur les manuscrits médiévaux (forme et fond), et on s’interroge notamment pour savoir comment et pourquoi les ou plutôt des textes de l’Antiquité sont parvenus jusqu’à nous par l’intermédiaire du Moyen Âge (un problème de transmission culturelle). Normalement, nous n’avions pas les mêmes préoccupations, mais quelquefois elles se sont rejointes et nous avons donc organisé ce colloque. J’y ai parlé des « dames à cheval [37] ».
C. zum Kolk : La question de l’itinérance...
P. Contamine : Ce n’était pas traité alors.
C. zum Kolk : Même aujourd’hui !
P. Contamine : Voilà. Comment et pourquoi ces nobles dames se déplaçaient-elles, et dans quelle mesure ? Publiquement, incognito ? Quel était leur degré d’autonomie ?
La recherche sur la cour de France
C. zum Kolk : Cet aspect concerne le quotidien de la cour et son fonctionnement. Concernant la recherche sur la cour, j’ai trouvé deux citations qui présentent l’ambiguïté qui existe à ce sujet en France. Dans votre conclusion du livre La Cour Plantagenêt publié en 1999, vous avez fait le constat suivant : « Il serait certes erroné de penser que les médiévistes aient attendu cette extrême fin du XXe siècle pour s’intéresser au phénomène palatin ou curial, ou courtois, pour
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porter leur regard sur la nature, la composition et le rôle des hôtels royaux, princiers ou seigneuriaux [38] ».
D’autre part, lors du colloque La Cour du prince. Cour de France, cours d’Europe (XIIIe - XVe siècle) qui s’est tenu en 2008 [39], vous avez remarqué que vos maîtres se retourneraient dans leurs tombes s’ils vous voyaient assister à un colloque sur la cour…
P. Contamine : Il y a une contradiction, effectivement. Ce que j’ai d’abord voulu dire, c’est que l’historiographie médiévale est très ancienne ; donc, on ne peut pas s’imaginer qu’on puisse désormais découvrir un sujet qui n’ait jamais été abordé. Regardez par exemple Barthélemy Hauréau, un immense érudit, membre de l’Académie des Inscriptions, directeur de la Fondation Thiers, directeur du Journal des Savants (à ce triple titre, je me place modestement dans sa lignée). Il a écrit au milieu du XIXe siècle sur la Cour de Charlemagne [40]. Donc, on ne peut pas dire que l’étude de ce phénomène soit entièrement nouvelle.
La deuxième réflexion concernant mes maîtres de la Sorbonne qui se seraient retournés dans leurs tombes… Déjà, j’ai eu un peu de mal à imposer le sujet sur la guerre et les armées ; mais si j’avais dit « je veux travailler sur la cour »... - mais quel est ce fou ! Nous sommes à l’époque où Pierre Goubert, qui était un très bon historien du reste, écrivait Louis XIV et vingt millions de Français, n’est-ce pas ? La cour, c’était l’antithèse. On a bien publié des textes, le De nugis curialium, par exemple [41]. Mais comme sujet central, comme sujet digne de la grande histoire, susceptible de fonder une carrière universitaire classique, c’était exclu. Peut-être pas ailleurs, mais en France dans les années 1960, impossible. À la limite la cour du pape, que Bernard Guillemain a étudiée dans toutes ses dimensions ; il a pu faire sa thèse et sa carrière sur la curie romaine à l’époque de la papauté d’Avignon [42]. C’était possible parce que cette cour était en même temps un gouvernement, et parce qu’elle existe encore. Mais pour la cour d’un roi de France ? Pourquoi pas la cour du roi Pétau ! Bref, pour mes maîtres il s’agissait d’un sujet caricatural, démodé, je dirais même réactionnaire.
C. zum Kolk : Peut-on penser que ce rejet venait du fait qu’on rangeait la cour de France du côté de la sphère privée ?
P. Contamine : Je pense que c’est plus profond que ça. L’Université française s’est constituée à la fin du XIXe siècle, sous la Troisième république, à une époque où le phénomène « cour » était un phénomène daté et négatif. La République française s’est constituée contre la cour : la dernière en date a été celle de Napoléon III et ça s’était mal terminé. La France était l’un des seuls États (avec quand même les USA) à travers le monde où il n’y avait pas de cour ! Le Président de la République résidait déjà à l’Élysée, mais il n’y avait pas de cour. Il faudra attendre le général de Gaulle, ce monarque républicain, pour la voir réémerger. Cette cour, dont le Canard enchaîné a fait longtemps la chronique, pour la railler. Donc c’est quelque chose qui est plus viscéral et plus profond dans l’historiographie française, alors que l’historiographie allemande, ou même l’historiographie anglaise, a probablement un autre réflexe. Il y a toujours une cour d’Angleterre et l’Empire allemand abritait de nombreuses cours jusqu’en 1918.
C. zum Kolk : S’ajoute le fait qu’au XIXe siècle, on étudie des institutions politiques que ce qui a donné naissance à une institution républicaine.
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P. Contamine : Oui. On peut étudier les États généraux, l’armée, les finances, la justice. Mais la cour, non.
C. zum Kolk : Concernant la recherche sur la cour, j’ai l’impression qu’il y a deux aspects qui vous importent, car vous insistez sur ces points à plusieurs reprises dans vos écrits. Premièrement, l’histoire de la cour s’inscrit dans la longue durée et remonte jusqu’à l’Antiquité. Deuxièmement, l’histoire de la cour n’est pas celle d’un progrès linéaire : la cour peut être très importante à une époque pour perdre tout son éclat à d’autres.
P. Contamine : Pourquoi est-ce que je pense que l’histoire de la cour, ce n’est pas une histoire rectiligne ? Je crois que la cour est liée à un individu. Il lui faut s’incarner dans une personne, le prince. Je ne pense pas qu’on puisse parler d’une véritable cour à Venise ou à Gênes… Les républiques ont du mal avec cela. Même à Florence, à l’époque des Médicis, la cour de Laurent le Magnifique n’est pas une cour princière. Donc, une cour est liée à un individu donné, avec son tempérament, son âge, ses horizons, ses ambitions, ses désirs, ses plaisirs. Et par conséquent, il y a des rois, des souverains, des princes, etc. qui jouent sur ce registre plus que d’autres. C’est pour cela que l’évolution de la cour ne se présente pas comme une histoire rectiligne. Et en même temps c’est une histoire très ancienne. Je ne suis pas assez compétent, mais quelque chose a dû passer de la cour des empereurs romains à celles des « rois barbares ». Le véritable héritier est quand même Byzance. Dans les années 1954-1955, lorsque je suivais des cours à la Sorbonne, il y avait un professeur d’histoire byzantine, Rodolphe Guilland [43], spécialiste de la cour et du cérémonial. On ne le prenait pas trop au sérieux ! On disait : c’est une approche pittoresque, anecdotique du monde byzantin. Si ça lui fait plaisir, pourquoi pas ? Mais ce qu’il faudrait savoir, c’est la condition des paysans, le commerce, la monnaie, les thèmes, l’iconoclasme, etc. Les commentaires de Rodolphe Guilland sur Constantin Porphyrogénète paraissaient marginaux, une lubie.
La cour des premiers Capétiens
C. zum Kolk : Vous avez assisté à un colloque sur la cour des Plantagenêt, qui est peut-être la mieux étudiée des cours du XIe et XIIe siècles [44]. Est-ce à cause du grand nombre de sources qu’elle a laissées ?
P. Contamine : Effectivement. C’était un colloque organisé à Thouars (encore !) par un collègue de Poitiers, Martin Aurell [45], un médiéviste aussi brillant que fécond. Il avait travaillé d’abord sur l’aristocratie provençale, les comtes et les comtesses de Barcelone, puis, à la suite de son implantation à Poitiers, il s’est intéressé à l’empire Plantagenêt qu’il a étudié de différents côtés, avant de porter ses regards sur la culture courtoise, sur les liens entre noblesse et littérature, sur les rapports entre christianisme et chevalerie et, plus récemment, sur la croisade.
Je reviens aux Plantagenêt, dont la cour est éclairée à la fois par des traités (qui sont favorables ou défavorables) et des sources, notamment comptables, qui n’existent pas à la même époque en France. Ensuite, il y a cette pluralité de lieux, entre la France et l’Angleterre. C’était par nécessité une cour itinérante. Egbert Türk avait déjà étudié cela [46]. Mais Martin Aurell a repris ce champ de recherche et m’a demandé de faire la conclusion du colloque de Thouars qui a été publiée dans les
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Cahiers de civilisation médiévale [47]. Un événement très important eut lieu à la même époque, c’est la parution en français du livre de Norbert Elias, La société de cour [48]. On a mis longtemps à introduire ce penseur en France, de même que Max Weber et quelques autres, parce que quelquefois, on a du retard à l’allumage. Finalement on s’est aperçu que le sociologue Norbert Elias était aussi un historien. Je crois qu’on prend maintenant ses distances par rapport à Elias, mais enfin il demeure un très grand nom. C’est ce que j’ai voulu exprimer dans cette conclusion.
Mais je me suis posé aussi la question : pourquoi est-ce qu’on ne peut pas faire, même encore maintenant, quelque chose de semblable sur la cour des Capétiens à l’époque de Louis VII et de Philippe Auguste ? Ça ne marche pas. Pourquoi ? Il y avait déjà la curia regis et tous les organismes qu’on retrouvera plus tard, l’hôtel, etc., tout fonctionnait et pourtant… Je n’ai pas d’explication à cette absence qui n’est sans doute pas seulement d’ordre historiographique.
C. zum Kolk : Ça semble être un de ces fameux « creux » de l’histoire de la cour.
P. Contamine : Oui. On peut étudier la cour de Charlemagne ou de Charles le Chauve, mais ça s’arrête là. Il y a un énorme vide en ce qui concerne les premiers Capétiens, la cour de Hugues Capet ou celle de Robert le Pieux. J’ai fait une exposition sur Orléans et les premiers Capétiens lors de la célébration du millénaire capétien (987-1987). Dans ce cadre j’ai passablement étudié le règne de Robert le Pieux ; on a quand même pas mal de renseignements sur lui, il y a la Vie du roi Robert d’Helgaud, par exemple. Et la cour de Louis IX ? Finalement, on ne pense pas à Saint Louis en termes de cour. C’est assez curieux. Quand est-ce que la notion de cour, au sens courant du terme, s’impose dans l’espace français ? À l’époque de Charles V et de Charles VI et de Christine de Pizan, on peut parler de cour, on est en présence d’un organisme complexe, avec ses dimensions sociales, religieuses, monumentales, artistiques et bien sûr politiques. D’une certaine manière, c’est déjà la cour de l’Ancien Régime qui se met en place. J’ouvre une parenthèse : il se trouve que j’ai hérité de mon père la grande édition des Mémoires de Saint-Simon d’Arthur de Boislisle. J’en lis régulièrement quelques pages quand je suis à la campagne et j’en tire un plaisir sans cesse renouvelé : que de personnages, hommes et femmes, qui, par leur position, peuvent se permettre d’aller jusqu’au bout de leurs désirs ou de leurs passions !
Les hôtels royaux et l’entretien de la cour
C. zum Kolk : Une erreur souvent faite concerne l’histoire des hôtels royaux. Les plus anciennes traces administratives laissées par ces structures datent du XIIIe siècle, de 1261 pour être exacte [49], et certains chercheurs en ont conclu que les hôtels naissent à cette époque alors qu’il s’agit de structures bien plus anciennes…
P. Contamine : Tout à fait, ce n’est pas la même chose.
C. zum Kolk : Élisabeth Lalou a édité une partie des ordonnances de la fin du XIIIe au début du XIVe siècle [50]. On constate, aussi à la vue d’autres documents, que les hôtels royaux peuvent atteindre une taille considérable. Jeanne d’Évreux disposait en 1326 de 280 serviteurs [51] et Boris Bove estime la taille de la cour à 5-10 000 personnes… [52]
P. Contamine : La taille d’une cour, ça se définit parfois par le nombre de chevaux. Vous connaissez les travaux de Monique Chatenet qui a repéré qu’on tourne pour la France des Valois *
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au milieu du XVIe siècle autour de dix mille chevaux ! Je crois quand même que la cour en déplacement au XIVe siècle, ça n’a pas cette dimension, ce qu’on constate par exemple lors de l’ « allée du roi » en Languedoc en 1389. Mais il y a une montée en puissance. Bien évidemment, la cour de Louis XIV a été encore plus importante...
C. zum Kolk : Il semble qu’en temps de paix, trois quarts des recettes de la couronne sont absorbés par les hôtels royaux [53].
P. Contamine : On le comprend assez bien, parce qu’au fond c’est une tautologie. Les ressources de l’État servaient à entretenir le roi, c’était leur fonction première ! Le reste venait après. Et je crois qu’il était admis que le roi puisse vivre dignement, avec honneur, en conformité avec son statut, lui et les siens.
C. zum Kolk : Les sources se raréfient à partir de 1350, dû aux pertes, aux incendies et aux destructions d’archives à l’époque de la Révolution. Ces lacunes posent problème.
P. Contamine : Effectivement, la royauté française est mal pourvue du point de vue documentaire, ce qui fausse les perspectives, surtout comparée à la Bourgogne. Mais ça n’est pas le seul cas ; les archives du duché de Bourbon sont également mauvaises, il y a très, très peu de comptes. Les archives du comte Gaston Fébus aussi, comme celles du duché de Bretagne ; Jean Kerhervé en a tiré vraiment tout ce qu’il a pu [54]. C’est cela qui donne à l’État bourguignon cette position particulière : le prodige, l’inattendu, c’est la survie, trompeuse en quelque sorte, des archives bourguignonnes.
C. zum Kolk : Pour le règne de Charles V, il faut se tourner vers d’autres sources, dont les œuvres de Christine de Pizan où l’on constate l’existence d’un cérémonial de cour. La mise en scène de la majesté progresse. Mais « Charles V n’était ni l’homme des divertissements profanes, surtout physiques, ni l’homme des camps [55] ». C’est une cour cultivée, mais pas chevaleresque. D’ailleurs, dans son livre sur Charles V, Françoise Autrand n’a pas fait de chapitre sur la cour ; la cour ne semble pas avoir une existence propre à cette époque [56].
P. Contamine : N’est-ce pas ? Ce n’est pas un angle mort, ce n’est pas un point aveugle de ce très bel ouvrage, c’est parce que son auteur n’a pas senti le besoin de se concentrer sur cet aspect spécifique.
La cour au cœur de la vie politique
C. zum Kolk : En même temps, la fonction politique de la cour semble se renforcer dans ces années ; cela va de pair avec le développement de l’État royal qui fait du lieu où séjourne le roi le centre du pouvoir…
P. Contamine : Je suis d’accord avec cela. Les grandes décisions se prennent à l’intérieur de la cour. La prise des décisions, c’est l’un des problèmes les plus délicats qui soient. Il y a le conseil, c’est l’organe des grandes décisions, mûrement discutées et délibérées, où chaque conseiller est prié de donner librement son avis. Mais on se demande si le conseil ne sert pas surtout à officialiser des décisions qui sont prises en amont. Je pense pour ma part que ça se passe toujours un petit peu à l’arrière, dans un très petit cercle. De Louis XI on disait qu’il portait tout son conseil dans son bonnet. Ou bien que son cheval portait tout son conseil. Mais de façon générale, je crois
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que les grandes décisions se prenaient en petit cercle et les membres de ce cercle provenaient d’un ou de plusieurs milieux, ce qui est important. On peut ainsi réfléchir à ce problème typiquement curial qui est l’intrigue et les favoris (les mignons). Quand est-ce qu’apparaissent les premières intrigues, les premiers favoris discernables de cour ? L’un de mes élèves, Xavier Hélary, qui a participé à Jeanne d’Arc. Histoire et dictionnaire [57], travaille justement sur le règne de Philippe III et Pierre de La Broce, qui est considéré comme le premier favori d’un roi de France. Compte tenu de la documentation, on peut dire qu’il s’agit du premier exemple frappant des intrigues de cour en France, avec des chansons, des disgrâces, etc. À partir des années 1275, il y a des intrigues de cour. Et ce phénomène va durer autant que l’Ancien Régime – la cour, ce sont des intrigues. Le génie de Louis XIV, c’est d’avoir maîtrisé ces intrigues ; Louis XV n’avait pas le même génie, mais enfin, pendant tout un temps de son long règne, il contrôla quand même le jeu, quoiqu’avec moins de savoir-faire et plus d’indifférence.
La cour de France et la cour de Bourgogne au XVe siècle
C. zum Kolk : Sous Charles V et Charles VI, la cour devient le confluent de richesses considérables grâce à l’apparition de l’impôt régulier. On voit les princes du sang, qui normalement auraient eu tendance à se retirer sur leurs terres en cas de faiblesse du pouvoir royal, s’attarder dans l’entourage de Charles VI… Le duc de Bourgogne réussit à accaparer une bonne partie de ces recettes.
P. Contamine : Oui, absolument.
C. zum Kolk : Est-ce que cela n’explique pas, au moins partiellement, la pompe qui régnait à la cour de Bourgogne ?
P. Contamine : On peut revenir à l’idée que le destin d’une cour est lié à une personne. Les quatre ducs de Bourgogne sont des caractères éclatants ou écrasants. Les ducs d’Alençon, par exemple, n’ont pas eu ce talent, à beaucoup près, indépendamment de leurs ressources ou de leurs ambitions. Donc il y a là quatre princes, une puissante lignée, une portée de géants, pour ainsi dire. Et puis, effectivement, il y a le fait que les structures financières du royaume ont abouti à ce que les charges, c’était pour le roi, et les profits, c’était pour les princes [rires]. Il y a cet aspect-là. Surtout Philippe le Hardi et Jean sans Peur ont profité des largesses de la royauté. Ensuite, il y a eu un temps un peu difficile pour Philippe le Bon, entre 1419 et 1429, mais ça s’est arrangé et la cour de Bourgogne a pris son envol ; le point de départ aurait été la fondation de l’ordre de la Toison d’or en 1430.
C. zum Kolk : Vous parlez dans un article récent du contraste qui existe entre la cour de Bourgogne et la cour de France : « À la cour du duc Philippe, ce n’était chaque jour que fêtes, joutes, tournois, danses et caroles, tandis qu’à la cour du roi Charles on se contentait de dormir, de boire et de manger [58] ».
P. Contamine : Mais il a une cour quand même ! Une cour rudimentaire.
C. zum Kolk : Jean Huizinga va encore plus loin : « L’ordre magnifique maintenu à la cour de Bourgogne et prisé des contemporains ne prend sa pleine signification que comparé au désarroi
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de la cour de France : mauvaise table et mauvais logement ; bruit et désordres continuels ; jurons et querelles ; jalousies et injures [59] »
P. Contamine : C’est notre maître, Huizinga ! On ne peut pas aller au-delà. Mais je me souviens – là je retourne un peu en arrière – que pour Édouard Perroy, Huizinga, et son approche littéraire des choses... c’était se fourvoyer (un roman bâti sur des fantasmes, comme si l’on se servait de Proust pour étudier la société française du début du XXe siècle).
Pour revenir aux années 1430, 1440… Je pense que Charles VII a eu une fin de vie relativement heureuse. Mais, question de tempérament, il ne veut pas rivaliser avec son cousin de Bourgogne. Un caractère craintif, méfiant, introverti. Il a été saisi par le démon de midi, mais il a jugé que, pour le roi très chrétien, il valait mieux être discret qu’étaler ses frasques. À partir de 1440-1450, il a eu des rentrées fiscales, mais le produit de la « taille des gens d’armes » a été donné aux gens d’armes. En réalité, le roi a vécu sur un petit pied à Mehun-sur-Yèvre, l’héritage du duc de Berry. Il aimait se retirer dans des endroits – chez les autres, du reste – modestes. On ne savait même pas toujours où le trouver. Donc, tout cela demeure assez modeste volontairement modeste, parce que Charles VII ne voulait pas jouer le jeu du duc de Bourgogne. Il se servait d’autres sources de prestige pour affirmer sa souveraineté, sa prééminence. La comparaison me paraît suggestive.
C. zum Kolk : Éviter la surenchère, c’est ce que font aussi les princes électeurs quand ils décident en 1355 de limiter la taille de leur suite lors des grandes assemblées de l’Empire ; chacun avait droit au même nombre de chevaliers. Cette restriction volontaire, Charles le Téméraire l’ignore quand il se rend en grande pompe à Trèves pour rencontrer l’empereur et se présente avec une suite mieux vêtue que celle du Habsbourg...
P. Contamine : Fatal faux pas. Peut-être sans cela aurait-il eu la couronne qu’il espérait...
Dans le même registre, je me suis posé la question au sujet de Louis XI. Est-ce qu’on peut parler d’une cour de Louis XI ? Un de mes élèves, Jean-François Lassalmonie, a écrit un article « Le prince a-t-il besoin d’une cour ? Le cas de Louis XI, roi de France (1461-1483) [60] ». Je crois qu’il a raison quand il dit que le roi a fait œuvre de mécène, mais qu’il s’agissait d’un mécénat religieux, pour son au-delà, fort coûteux, dont les fruits ont presque entièrement disparu. Pour la cour, il y a eu une tentative dans les années 1470, entre Tours (Le Plessis-du-Parc), le château des Montils (ce n’était pas une grande construction) et Amboise. Je m’intéresse en ce moment à Jeanne de France, duchesse de Bourbon, parce qu’on a retrouvé son livre d’heures qui a été acquis par la Bibliothèque nationale de France. J’ai fait une conférence avec Marie-Hélène Tesnière, conservateur général au département des manuscrits, et nous entreprenons une étude à ce sujet. Cette noble princesse vivait à Moulins, en général – on n’est pas très bien renseigné parce qu’il n’y a pas de comptes - mais quelquefois elle se déplaçait, et il lui arrivait d’être accueillie à Amboise précisément, chez la reine Charlotte de Savoie. Elle était là au moment de la naissance de Charles VIII dont elle fut la marraine. On devine qu’il y avait une pression dans ces années-là, 1469-1470, pour inciter Louis XI à développer davantage la cour. Mais ce n’était pas, disons, dans ses gènes, et ça a été abandonné. Cette ébauche, cette esquisse est intervenue après la guerre du Bien public, à un moment où il y avait encore son frère, Charles de France, qui était en apparence réconcilié avec
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lui. Il y a une convergence de son entourage en vue de la re-création d’une cour dans la vallée de la Loire, peut-être à Amboise. Mais il faut attendre Charles VIII pour voir ce projet aboutir.
C. zum Kolk : En même temps, il y a une étiquette très développée, ce que montrent Les honneurs de la cour [61].
P. Contamine : C’est ce que Jacques Paviot a montré. La cour de Bourgogne a repris le modèle de la cour de France, de la maison de France. Parce que la maison de Bourgogne, quoiqu’autonome, c’est aussi une partie de la maison de France. Le terme de maison est fort répandu au XVe siècle. J’ai fait une petite recherche à ce sujet : l’expression « maison d’Anjou » n’existe pas, sauf erreur, au XIVe (les « Angevins de Naples » : l’expression est une création historiographique tardive). C’est seulement au XVe siècle, avec René d’Anjou, qu’il y a, telle une branche de la « maison de France », la « maison d’Anjou ».
Donc, dans Les Honneurs de la cour, un texte que Jacques Paviot a bien mis en valeur, on retrouve Jeanne de France, duchesse de Bourbon. Elle a le pas sur la duchesse Agnès de Bourbon, alors que, quand elle arrive à la cour de Moulins en 1447, elle n’a pas dix ans ! Cet exemple suffit à montrer l’existence d’une étiquette d’origine française. Il montre aussi qu’être de la maison de France, c’est quand même le summum. La duchesse Jeanne se dit « fille de roi de France » (Charles VII), « sœur de roi de France » (Louis XI). Ça prime sur tout le reste, indépendamment de la richesse.
C. zum Kolk : Le protocole reste intact même si la cour est réduite et moins brillante.
P. Contamine : Exactement.
C. zum Kolk : Passons maintenant aux deux questions qui closent nos entretiens. La première concerne vos projets actuels...
P. Contamine : J’exhume parcimonieusement, et souvent à la demande, des dossiers qui dorment dans l’armoire de mes préoccupations depuis tant d’années. Parmi ces dossiers, je citerai celui de Philippe de Mézières (vers 1325-1405), grande figure de la chrétienté de la fin du Moyen Âge: le chevalier, le croisé, le chancelier de Chypre, le conseiller des rois de France Charles V et Charles VI, le réformateur exalté, le dévot, l’écrivain pathétique et imaginatif, le solitaire engagé dans le monde tout en s’efforçant de rompre avec lui. À la limite, j’aimerais qu’on parle du siècle de Philippe de Mézières pour désigner le XIVe siècle. Pour le moment, je suis loin du compte, mais on peut toujours rêver.
C. zum Kolk : La deuxième question concerne l’état actuel de la recherche sur la cour. D’après vous, quels seraient les sujets qu’il serait utile d’aborder, qu’est-ce qui vous paraît avoir été délaissé ?
P. Contamine : Naturellement, je n’ai pas de vraie réponse. Peut-être est-il temps de mener des comparaisons rigoureuses et minutieuses entre les cours du monde entier, disons vers 1500. D’un point de vue plus général, je pense que, d’une façon ou d’une autre il faudrait procéder à un rééquilibrage méthodologique. Les représentations, l’imaginaire, le discours, c’est très important, mais il ne faut pas ignorer d’autres aspects, qui ont perdu de leur prestige : ne pas laisser de côté la bonne vieille « histoire économique et sociale », sans oublier l’immense apport de la démographique historique. Pour la fin du Moyen Âge, compte tenu de l’ampleur et de la variété des sources, il ne faut pas négliger cet aspect, même si c’est fastidieux, laborieux. Retour aux
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sources, poursuivre les éditions de textes ! Des sources vues, notamment, sous un angle non seulement érudit, mais quantitatif, sériel, éventuellement statistique. Retour aux realia (les techniques, les objets, les outils, les gestes). L’historien reprend ses forces en s’abreuvant aux sources. Il me semble qu’en les buvant goutte à goutte, je veux dire en les transcrivant manuellement, en les « saisissant », on apprend beaucoup de choses, on aborde de l’intérieur l’esprit du temps. Si j’avais un message à faire passer aux médiévistes de demain, ce serait celui-là.
Notes
[1] Henry Contamine, Metz et la Moselle de 1814 à 1870, Nancy, Académie nationale de Metz, 1932.
[2] William Seston (1900-1983), historien et épigraphiste français, spécialiste du Bas-Empire (Dioclétien et la tétrarchie, 1946). Auteur de Dioclétien et la tétrarchie (1946) ; Scripta Varia. Mélanges d’histoire romaine, de droit, d’épigraphie et d’histoire du christianisme (1980).
[3] Robert Boutruche (1904-1975), spécialiste de l’histoire économique et du système féodal, professeur à l’université de la Sorbonne. Auteur de Une société provinciale en lutte contre le régime féodal. L’alleu en Bordelais et en Bazadais du XIème au XVIIIème siècle (1943) ; La crise d’une société. Seigneurs et paysans du Bordelais pendant la guerre de Cent Ans (1947) ; Bordeaux du XVe au XVIIe siècles (1965) ; Seigneurie et féodalité (1968).
[4] Robert Fawtier (1885-1966), historien et chartiste, spécialiste de l’histoire des institutions et religieuse, professeur à l’université du Caire, de Bordeaux, et de la Sorbonne. Il publia entre autres Sainte Catherine de Sienne (1921–30) ; avec L. Canet La double expérience de sainte Catherine de Sienne (1948) ; L’Europe occidentale de 1270 à 1380 (1940) ; Les Capétiens et la France (1942).
[5] Charles-Edmond Perrin (1887-1974), professeur d’histoire médiévale à l’université de Grenoble, de Strasbourg et de la Sorbonne. Auteur de L’Allemagne, l’Italie et la Papauté de 1125 a 1250 (1949) ; Trois provinces de l’Est: Lorraine, Alsace, Franche-Comté (1957) ; Seigneurie rurale en France et en Allemagne du début du IXe à la fin du XIIe siècle (1966).
[6] Anne Terroine (1909-1976), historienne et chartiste. Sa thèse sur la bourgeoisie parisienne au Moyen Âge, dirigée par Marc Bloch, reçut le prix Molinier ; elle a collaboré à l’édition de documents relatifs aux séances des États Généraux et a dirigé avec L. Fossier et Y. de Montenon celle des chartriers d’abbayes parisiennes : Chartes et documents de l’abbaye de Saint-Magloire, 1966-1976.
[7] Astrik Ladislas Gabriel (1907-2005), historien et chartiste, chanoine de l’ordre des prémontrés sous le nom d’Astrik, professeur et directeur du Medieval Institute de l’Université Notre-Dame (Indiana), spécialiste de l’éducation au Moyen Âge. Parmi ses publications voir Blaise de Várda, humaniste hongrois à Paris (1941) ; The Practice of charity at the University of Paris during the Middle ages, Ave Maria college (1947) ; English masters and students in Paris during the XIIth century (1949) ; The College system in the 14th century universities (1959), Les Collèges parisiens et le recrutement des canonistes (1971).
[8] Henry Contamine, La Revanche 1871-1914, Paris, Berger-Levrault, 1957.
[9] Karl Ferdinand Werner, Naissance de la noblesse. L’essor des élites politiques en Europe, 1998 (rééd. Fayard/Pluriel 2010).
[10] Philippe Contamine, Guerre, Etat et Société à la fin du Moyen Age. Etudes sur les armées des rois de France, 1337-1494, Paris-La Haye, 1972.
[11] André Chédeville, « Philippe Contamine, Guerre, État et Société à la fin du Moyen Age. Études sur les armées des rois de France, 1337-1494 », dans Annales de Bretagne, 1973, vol. 80, n° 2, disponible en ligne.
[12] P. Contamine (éd.), La noblesse au Moyen Âge, XIe-XVe siècles. Essais à la mémoire de Robert Boutruche, Paris, PUF, 1976.
[13] Pierre Toubert (1932-), historien, spécialiste de l’Italie médiévale, professeur à la Sorbonne et au Collège de France. Auteur de Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du IX° siècle à la fin du XIIe siècle (1973) ; Histoire du haut Moyen Âge et de l’Italie médiévale (1987) ; L’Europe dans sa premier croissance. De Charlemagne à l’an mil (2004).
[14] Robert Delort (1932-) historien, professeur à l’université Paris VIII, à l’ENS et à l’université de Genève. Ses recherches portent sur la vie quotidienne au Moyen Âge (Le Moyen Age: histoire illustrée de la vie quotidienne, 1972), les animaux dans l’histoire (Les Animaux ont une Histoire, 1984) et l’histoire de l’environnement (L’Histoire de l’environnement européen, 2001).
[15] Charles-Marie de La Roncière (1929-), spécialiste de l’histoire religieuse et italienne au Moyen Âge. Auteur de Saint Yves (1253-1303) (1925) ; La place des confréries dans l’encadrement religieux du contado florentin : l’exemple de la Val d’Elsa (1973) ; Prix et salaires à Florence au XIVe siècle (1982) ; Religion paysanne et religion urbaine en Toscane, c. 1250-c. 1450 (1994).
[16] Michel Rouche (1934-), professeur à l’université de Lille III et de la Sorbonne, spécialiste de l’histoire du Haut Moyen Âge. Auteur de L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes 418-781 : naissance d’une région (1979) ; Clovis (1996) ; Le choc des cultures. Romanité, germanité, chrétienté durant le haut Moyen Âge (2003) ; Histoire de la papauté (2003, avec Y.-M. Hilaire) ; Petite histoire du couple et de la sexualité (2006) ; Attila, La violence nomade (2009).
[17] La bataille de Morat. Un événement suisse d’histoire européenne entre le Moyen Âge et les temps modernes, 1476-1976. Colloque international du 5e centenaire de la bataille de Morat, 23-25 avril 1976. Les actes du colloque ont été publiés à Fribourg et Berne par le Deutscher geschichtsforschender Verein des Kantons Freiburg. La contribution de P. Contamine (« La Bourgogne au XVe siècle », p. 91-110) fut réédité dans P. Contamine, Des pouvoirs en France, 1300-1500, Paris, ENS, 1992.
[18] Maurice H. Keen (1933-2012), professeur d’histoire à Oxford, Balliol College. Son livre Chivalry parut en 1984.
[19] Edouard Perroy (1901-1974), historien, spécialiste de l’Angleterre à l’époque de la Guerre de Cent Ans et du Forez, région à laquelle il a consacré de nombreuses études. Professeur à l’université de Lille et la Sorbonne. Fonde en 1969 avec Charles Higounet la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public. Parmi ses publications voir entre autres L’Angleterre et le Grand Schisme d’Occident : étude sur la pratique religieuse de l’Angleterre sous Richard III (1378-1399) (1934) ; Chartes du Forez antérieures au XIVe s. (à partir de 1933) ; L’artillerie de Louis XI dans la campagne d’Artois, 1477, (1943) ; La féodalité en France du Xe au XIIe s. (1956) ; Le travail dans les régions du Nord du Xe s. au début du XIVe s. (1962) ; Royaumes et sociétés barbares du Ve au VIIIe s. (1964).
[20] Entretien avec Françoise Autrand réalisé par Sabine Berger, Jacques Paviot et Caroline zum Kolk, Paris, Cour de France.fr, 2012. Interview publiée en ligne le 1er octobre 2012.
[21] Un certain nombre des articles de P. Contamine au sujet de Jeanne d’Arc ont été réédité dans De Jeanne d’Arc aux guerres d’Italie. Figures, images et problèmes du XVe siècle, Orléans-Caen, Paradigme, 1994 ; voir aussi Philippe Contamine, Oliver Bouzy, Xavier Hélary, Jeanne d’Arc, Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, 2012.
[22] « La théologie de la guerre à la fin du Moyen Âge : la guerre de Cent Ans fut-elle une guerre juste ? », dans Jeanne d’Arc, une époque, un rayonnement. Colloque d’histoire médiévale, Orléans, octobre 1979, Paris, CNRS, 1982, p. 9-21.
[23] Voir sur le Centre Jeanne d’Arc la présentation en ligne.
[24] Régine Pernoud, Étude sur le port de Marseille des origines au XIIIe siècle, Marseille, Ged, 1935.
[25] Philippe Contamine, « Régine Pernoud. Nécrologie », dans Bibliothèque de l’école des chartes, 2000, tome 158, p. 653-655, disponible en ligne.
[26] Michel Nassiet (1952-), historien, professeur à l’université d’Angers, spécialiste de l’histoire sociale et de l’histoire de la Bretagne à l’époque moderne. Auteur de Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne, XVe-XVIIIe siècles (1993) ; Parenté, noblesse, et Etats dynastiques, XVe-XVIe siècles (2003) ; L’union de la Bretagne à la France (codirigé avec Dominique Le Page, 2003) ; La violence, une histoire sociale (France, XVIe-XVIIIe siècle) (2011).
[27] Bernard Guenée (1927-2010), Les tendances actuelles de l’histoire politique Moyen Âge français, 100ème Congrès national des sociétés savantes, 1975.
[28] Bernard Guenée, L’Occident aux XIVe et XVe siècles : les États, Paris, PUF, 1971. Le compte rendu de P. Contamine : Revue historique, 1973, tome 249, année 97, p. 489-498 disponible en ligne.
[29] Jacques Le Goff, « Is still politics the backbone of History ? » dans Daedalus, hiver 1971, p. 1-79 ; article publié en français sous le titre « L’histoire politique est-elle toujours l’épine dorsale de l’histoire ? » dans L’imaginaire médiéval. Essai, Paris, Gallimard, 1985, p. 333-349. Voir aussi du même auteur : « L’histoire politique existe-t-elle ? » dans Lucien Sfez (dir.), Science politique et interdisciplinarité. Conférences (1998-2000), Paris, Sorbonne, 2002, p. 43-60.
[30] Voir sur ce projet Jean-Philippe Genet, « La genèse de l’État moderne. Les enjeux d’un programme de recherche », dans Actes de la recherche en sciences sociales, 1997, volume 118, n° 1, p. 3-18 ; disponible en ligne.
[31] L’Oriflamme de Saint-Denis aux XIVe et XVe siècles. Étude de symbolique religieuse et royale, Nancy, Institut de recherche régionale, 1975 ; disponible en ligne.
[32] Percy Ernst Schramm, Der König von Frankreich : das Wesen der Monarchie vom 9. bis zum 16. Jahrhundert. : ein Kapitel aus der Geschichte des abendländischen Staates, Weimar, Böhlau, 1939 (compte rendu de Jean Dhondt).
[33] Marc Bloch, Les Rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Strasbourg, Publications de la faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, 1924.
[34] Colloque organisé par l’Université du Maine les 25 et 26 mars 1994 ; actes édités par Joël Blanchard, avec une postface de Philippe Contamine (Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge, Paris, Picard, 1995).
[35] « Espaces féminins, espaces masculins dans quelques demeures aristocratiques françaises, XIVe-XVIe siècle », dans Jan Hirschbiegel, Werner Paravicini (éd.), Das Frauenzimmer. Die Frau bei Hofe in Spätmittelalter und früher Neuzeit, Stuttgart, Thorbecke, 2000, p. 79-90.
[36] Geneviève et Philippe Contamine (dir.), Autour de Marguerite d’Ecosse. Reines, princesses et dames du XVe siècle, Paris, Champion, 1999.
[37] « Dames à cheval » dans G. et P. Contamine (dir.), Autour de Marguerite d’Ecosse..., p. 201-218.
[38] Philippe Contamine, « Conclusion », dans Martin Aurell (dir.), La Cour Plantagenêt (1154-1204), actes du colloque tenu à Thouars du 30 avril au 2 mai 1999, Poitiers, Civilisation médiévale, 2000, p. 357.
[39] Philippe Contamine a rédigé la préface de l’édition des actes de colloque : Murielle Gaude-Ferragu, Bruno Laurioux, Jacques Paviot (dir.), La Cour du prince. Cour de France, cours d’Europe, XIIe-XVe siècle, Paris, Champion, 2011.
[40] Barthélemy Hauréau, Charlemagne et sa cour, Paris, Hachette, 1854.
[41] Marylène Perez, Contes de courtisans. Traduction du ‘De Nugis Curialum’ de Gautier Map, Villeneuve d’Ascq, Centre d’Études médiévales et dialectales de l’Université de Lille III, s.d.
[42] Bernard Guillemain (1923-2012), historien, professeur à l’université Bordeaux III. Auteur de La chrétienté, sa grandeur et sa ruine (De l’an mille au milieu du 15e siècle) (1959) et La cour pontificale d’Avignon 1309-1376 (1966).
[43] Rodolphe Guilland (1888-1981), byzantiniste, professeur à la Sorbonne. Un grand nombre de ses articles ont été réunis en cinq volumes : Études de topographie de Constantinople byzantine (1969, 2 vol.), Recherches sur les institutions byzantines (2 vol., 1967), Titres et fonctions de l’empire byzantin (1976). Voir sa bibliographie complète présentée par J. Darrouzès.
[44] Colloque tenu à Thouars du 30 avril au 2 mai 1999.
[45] Martin Aurell (1958-), historien, professeur à l’université de Poitiers, directeur de la revue Cahiers de civilisation médiévale. Ouvrages (sélection) : L’État et l’aristocratie en Catalogne et en Provence (IXe-XIVe siècles) (1994) ; Les Noces du comte. Mariage et pouvoir en Catalogne (785-1213), (1996) ; L’Empire des Plantagenets (1154-1224) (2003) ; Le Chevalier lettré : savoir et conduite de l’aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles (2011).
[46] Egbert Türk, « Nugae curialum ». Le règne d’Henri II Plantagenêt (1145-1189) et l’éthique politique, Genève, Droz, 1977.
[47] Martin Aurell (dir.), La Cour Plantagenêt (1154-1204)...
[48] Norbert Elias, La société de cour, Paris, Calmann-Lévy, 1974 (traduction de Die höfische Gesellschaft. Untersuchungen zur Soziologie des Königtums und der höfischen Aristokratie, Neuwied/Berlin, Luchterhand, 1969 (livre basé sur une thèse achevée en 1933).
[49] Ordonnance en français/latin : Cest lordonance de lostel le Saint Roy Loys faite ou mois de aoust lan de grace 1261 (AN JJ 57, folio 20-23) ; Ordinatio hospitii et familiae Domini Regis. Anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo primo, mense Augusto (BNF Clairambault 832, fol. 9-29). Plusieurs copies sont conservées au département des manuscrits de la BNF.
[50] Elisabeth Lalou, Benjamin Suc (éd.), Ordonnances de l’hôtel du roi, Orléans, Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, 2006. Huit ordonnances (1286-1316) ont été édités par E. Lalou en ligne : Ordonnances de l’hôtel du roi.
[51] Officiers domestiques de l’hostel de la Royne de France Jehanne d’Evreux, année 1326 (BNF ms. fr. nouv. ac. 9175, fol. 341).
[52] Boris Bove, Le temps de la guerre de Cent Ans, Paris, Belin, 2009, p. 193.
[53] Ibid, p. 240.
[54] Jean Kerhervé (1946-), historien, professeur à l’Université de Bretagne Occidentale, spécialiste de l’histoire médiévale de la Bretagne. Voir entre autres Aux origines d’un sentiment national. Les chroniqueurs bretons de la fin du Moyen Âge (1980) ; L’État breton aux XIVe et XVe siècles. Les ducs, l’argent et les hommes (2 vol., 1987) ; L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélèvement seigneurial, fin XIIe-début XVIe siècle (codirection avec A. Rigaudière et P.Contamine, 2002).
[55] P. Contamine, « Les cours de France, d’Angleterre et d’Écosse », dans Werner Paravicini (dir.), La Cour de Bourgogne et l’Europe. Le rayonnement et les limites d’un modèle culturel, Sigmaringen, Thorbecke, 2013, p. 410.
[56] Françoise Autrand, Charles V, Paris, Fayard, 1994.
[57] Philippe Contamine, Oliver Bouzy, Xavier Hélary, Jeanne d’Arc, Histoire et dictionnaire, Paris, Laffont, 2012.
[58] P. Contamine, « Les cours de France, d’Angleterre et d’Écosse »..., p. 415.
[59] Johan Huizinga, L’Automne du Moyen Âge, Paris, Payot, 1975, p. 50 (rééd.; première édition sous le titre Le déclin du Moyen Âge, Paris, Payot, 1932).
[60] Article paru dans Gerhard Fouquet, Jan Hirschbiegel, Werner Paravicini (éd.), Hofwirtschaft. Ein ökonomischer Blick auf Hof und Residenz in Spätmittelalter und früher Neuzeit, Sigmaringen, Thorbecke, 2008, p. 123-141.
[61] « Éléonore de Poitiers : Les États de la France (Les Honneurs de la Cour) », éd. par Jacques Paviot, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, n° 516, Paris, Honoré Champion, 1996, p. 75-125. Voir aussi de J. Paviot « Les marques de distance dans les Honneurs de la Cour d’Aliénor de Poitiers », dans Werner Paravicini, Zeremoniell und Raum, Residenzenforschung Bd. 6, Sigmaringen, Thorbecke, 1997, p. 91-96 et « Les honneurs de la cour d’Eléonore de Poitiers », dans Geneviève et Philippe Contamine (dir.), Autour de Marguerite d’Ecosse..., p. 163-180 ; article édité en ligne sur Cour de France.fr le 4 avril 2009.