Charles d’Anjou et la croisade de Tunis
Jean Longnon
Longnon, Jean, "Charles d’Anjou et la croisade de Tunis", dans Journal des savants, 1974, n° 1, p. 44-61.
Extrait de l’article
Une question importante se pose pour l’histoire de saint Louis et ne semble pas avoir été résolue d’une manière entièrement satisfaisante : pour quelle raison véritable le pieux roi a-t-il dirigé sur Tunis sa seconde croisade ? Vers la fin du siècle dernier, on attribuait couramment cette direction à l’influence de Charles d’Anjou, désireux d’imposer au souverain hafside de Tunis le tribut que Frédéric II avait perçu comme roi de Sicile et que al-Mostansir se refusait à payer à Charles d’Anjou. Dans le gros et beau livre que Henri Wallon consacra à saint Louis en 1878 et qui fit longtemps autorité, cet historien, après avoir exposé les raisons d’ordre religieux données par Geoffroy de Beaulieu, le confesseur de saint Louis, ajoutait : « Toutes ces raisons étaient de pures chimères : la seule véritable, c’est que Tunis, rendu tributaire de la Sicile depuis le temps de Roger II, avait cessé, depuis la conquête française, de payer le tribut à Charles d’Anjou. Bien plus, le sultan de Tunis avait favorisé l’expédition de Conradin. Charles d’Anjou devait être de la croisade. On peut voir sûrement sa secrète influence dans la direction qui fut imprimée à l’expédition, comme on retrouvera sa main dans le traité qui la termina. »
Ce n’était pas là pure supposition. Cet historien consciencieux s’appuyait sur des textes de peu postérieurs à la croisade. Peu de temps après la mort de saint Louis, le chroniqueur sicilien Saba Malaspina, rappelant que le roi de Tunis avait donné asile aux Gibelins ennemis de Charles d’Anjou et refusait de payer le tribut au nouveau roi de Sicile, écrivait : « C’est pourquoi le roi Charles, affectant de visiter ce pays et désireux d’extirper par la force des autres le serpent de sa caverne, avait agi adroitement de manière à diriger contre Tunis une si importante armée. »
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