L’invention de la loi salique et ses répercussions sur la scène politique de la Renaissance
Eliane Viennot
Viennot, Eliane, «L’invention de la loi salique et ses répercussions sur la scène politique de la Renaissance», dans L. Capdevilla et al. (dir.), Le Genre face aux mutations, du Moyen Âge au XXe siècle, Rennes, PUR, 2003.
Extrait du texte
La plupart des dictionnaires, encyclopédies et autres ouvrages historiques – y compris ceux qui s’intéressent spécialement aux femmes – continuant de propager la légende de la loi salique plutôt que son histoire, je commencerai par rappeler brièvement les conclusions établies par quelques historiens à la fin du XIXe siècle : la disposition française empêchant les femmes d’hériter et de transmettre la Couronne est relativement récente : aucun article du code des Francs Saliens ne contient la moindre indication concernant la nécessaire masculinité du trône ; personne n’a jamais allégué ce code pour cet usage avant la fin du XIVe siècle : les trois évictions de Jeanne de France en 1317, 1322 et 1328, par ses oncles puis par son cousin de Valois, ont eu lieu sans qu’il y soit fait référence ; c’est par rationalisation a posteriori de ces coups de force qu’a été théorisé le système de dévolution de la couronne qui allait désormais dessiner l’exception française, et qu’il a été rattaché au code des Francs Saliens, pour faire croire à son ancienneté.