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Les formes de la tyrannie ou le paradoxe de Laurent le Magnifique

Jean-Louis Fournel

Jean-Louis Fournel, « Les formes de la tyrannie ou le paradoxe de Laurent le Magnifique », Histoire culturelle de l’Europe, 1, 2016

Extrait de l’article

Nous partirons de trois considérations distinctes : la première concerne l’histoire de la pensée politique dans sa longue durée ; la deuxième les vicissitudes d’une famille dominante à Florence (les Médicis), chassée deux fois du pouvoir et qui a réussi à la fin à fonder une dynastie qui régna sur la Toscane pendant trois siècles ; la troisième, un événement et une conjoncture spécifique, celle qui voit, à partir de l’automne 1494, l’instauration dans cette même ville de Florence d’institutions républicaines qui se proclament comme « nouvelles » (elles resteront en place de 1494 à 1512 puis, avec quelques modifications, de 1527 à 1530). Or, quelle rupture peut-elle être plus radicale que celle qui qualifie de tyrannie le régime en vigueur dans le passé proche médicéen ? La question de la tyrannie devient donc dans cette perspective l’enjeu d’un débat politique contemporain largement inédit à Florence et le champ sémantique de la tyrannie acquiert dans les discours politiques (qui, par ailleurs, sont foisonnants dans la nouvelle république) une importance nouvelle dans les dispositifs interprétatifs. Mais revenons aux deux premiers éléments évoqués plus haut.

Au titre de la première de ces considérations, on rappellera qu’il est indéniable que, dans l’histoire de la pensée politique occidentale, depuis au moins la Rome républicaine qui n’aimait pas les reges, la figure du « tyran » a bien mauvaise presse. À cet égard, le tyran représente sans doute dans cette histoire de la pensée politique l’exemple par excellence de cette « mauvaise réputation » qui est le sujet de notre colloque. Reste toutefois que, si la condamnation du tyran (toujours exécrable et exécré) ne fait jamais débat, les choses sont beaucoup moins tranchées quant à la définition de la tyrannie, à son extension, à son périmètre, à la qualification ou à la dénomination du tyran et, encore plus, quant à l’identification de l’attitude à avoir face au tyran.

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