Morale et politique devant la guerre civile : les hésitations du duc Claude de Saint-Simon
Hubert Carrier
Carrier, Hubert, "Morale et politique devant la guerre civile : les hésitations du duc Claude de Saint-Simon, gouverneur de Blaye, pendant la Fronde des Princes (1650)", Cahiers Saint-Simon, n° 21, 1993. Le duc Claude, 1607-1693, p. 35-44.
Extrait de l’article
Toute guerre civile, c’est bien connu, constitue une rude mise à l’épreuve des principes moraux. La Fronde n’a pas échappé à la règle : entre les fières exigences de la morale de la gloire, qui reste le modèle idéal pour toute l’aristocratie de cette époque, et les réalités complexes de la vie politique, le compromis n’est pas toujours possible ; il faut prendre parti, il faut s’engager, et la voie de l’honneur n’est pas forcément compatible avec celle du réalisme le plus élémentaire. Plus grave même : des conflits de devoirs éclatent, entre lesquels il faut trancher, des morales également respectables s’opposent, et il y a des circonstances où l’on se trouve déchiré entre des fidélités qui s’excluent et se combattent.
Parmi les grands acteurs de la Fronde, il en est bien peu qui ne se soient trouvés, à un moment ou l’autre de ces guerres civiles compliquées et aux retournements imprévisibles, dans une situation de cette nature : le duc Claude de Saint-Simon, gouverneur de Blaye, père du mémorialiste, n’est nullement à cet égard un cas particulier. Il est au contraire caractéristique et en quelque sorte exemplaire, en tout cas parfaitement révélateur à la fois des dilemmes qui déchiraient parfois les consciences et du choix personnel d’un homme bien représentatif de la catégorie à laquelle il appartient : celle des grands seigneurs investis par l’autorité royale du gouvernement d’une place importante.