Princesse au pouvoir, femme de pouvoir ? L’action politique de Marie de Blois d’après le Journal du chancelier Jean Le Fèvre (1383-1388)
Jean-Michel Matz
Jean-Michel Matz, « Princesse au pouvoir, femme de pouvoir ? L’action politique de Marie de Blois d’après le Journal du chancelier Jean Le Fèvre (1383-1388) », Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge, 129-2, 2017
Extrait de l’article
Et que peut on dire de la vaillant et sage duchese d’Anjou ? […] O com grandement fait à louer ceste dame en toutes vertus ! En sa jeunesse fu de si souveraine beauté que elle passa toutes autres dames, et de très parfaictes chasteté et sagece en son parfait aage, de très grant gouvernement et souveraine prudence et force et constance de courage, comme il y paru. Car après la mort de son seigneur qui mourut en Ytalie, auques toute sa terre de Prouvence se rebella contre elle et ses nobles enfans, mais ceste noble dame tant fist et tant pourchaça que par force que par amours que elle la remist toute en bonne obedience et subgecion, et si bien la maintint soubz ordre de droit que oncques clameur ne plainte ne fu ouye de injustice qu’elle feist.
Christine de Pizan, La città delle dame, éd. P. Caraffi, Milan-Trente, 1998, p. 98-99.
Deux ans après son adoption par la reine Jeanne Ire de Naples en 1380, Louis Ier d’Anjou, fils du roi de France Jean II le Bon, pénètre dans la péninsule Italienne dans le but d’y faire valoir ses droits contre Charles III d’Anjou-Duras. Après sa victoire à Pietracatella et son couronnement comme roi de Naples en 1383, il était déjà à court d’hommes et d’argent. Entré cependant dans Bari en juillet 1384, il mourut non loin de là le 20 septembre. À l’âge de quarante-cinq ans, Louis, prince apanagé pour le duché d’Anjou et le comté du Maine, aussi duc de Touraine, par ailleurs comte de Provence et de Forcalquier et roi de Naples du fait de son adoption, laissait une veuve, Marie de Blois, et deux fils mineurs, Louis (né en 1377) et Charles (en 1379). Une régence féminine s’ouvrait donc, c’est-à-dire la mission temporaire pour sa veuve d’assurer le gouvernement du prince mineur et de ses nombreux territoires disséminés dans et hors du royaume de France. Or, comme l’exprime Christine de Pizan dans la Cité des dames, Marie de Blois († 1404) fit preuve durant toutes ces années de « très grant gouvernement et souveraine prudence et force et constance de courage » et elle parvint à garantir la destinée pourtant fragile de la seconde maison d’Anjou-Provence. Pour autant, mit-elle en œuvre des formes spécifiques de pouvoir féminin ?