Discours sur l’Histoire universelle
Jacques Bénigne Bossuet
Bossuet, Jacques Bénigne, Discours sur l’Histoire universelle, Paris, Mabre-Cramoisy, 1681.
Ouvrage numérisé
Quand l’histoire seroit inutile aux autres hommes, il faudroit la faire lire aux princes. Il n’y a pas de meilleur moyen de leur découvrir ce que peuvent les passions et les interests, les temps et les conjonctures, les bons et les mauvais conseils. Les histoires ne sont composées que des actions qui les occupent, et tout semble y estre fait pour leur usage. Si l’experience leur est necessaire pour aquerir cette prudence qui fait bien regner, il n’est rien de plus utile à leur instruction que de joindre aux exemples des siécles passez les experiences qu’ils font tous les jours. Au lieu qu’ordinairement ils n’apprennent qu’aux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent : par le secours de l’histoire, ils forment leur jugement, sans rien hasarder, sur les évenemens passez. Lors qu’ils voyent jusqu’aux vices les plus cachez des princes, malgré les fausses loûanges qu’on leur donne pendant leur vie, exposez aux yeux de tous les hommes, ils ont honte de la vaine joye que leur cause la flaterie, et ils connoissent que la vraye gloire ne peut s’accorder qu’avec le merite.