Le christianisme de Clovis aux XVIe et XVIIe siècles
Miriam Yardeni
Miriam Yardeni, "Le christianisme de Clovis aux XVIe et XVIIe siècles", dans Bibliothèque de l’École des chartes, année 1996, volume 154, numéro 1, p. 153 - 172.
Extrait de l’article
Depuis que là France et les Français ont pris conscience de leur originalité, Clovis tient une place de choix dans leur mémoire collective. Bien plus : son image et les légendes liées à son règne ont puissamment contribué à forger cette conscience, mieux même que la figure de Charlemagne n’a pu le faire. Clovis incarne en effet tous les mythes d’origine et toutes les continuités. Il est le fondateur de l’État et, en même temps, le premier roi chrétien, conjonction qui n’est pas due au hasard. Car il ajoute un chapitre à l’Histoire sainte. C’est lui que Dieu a choisi parmi tous les roitelets barbares pour embrasser la vraie religion chrétienne, la foi catholique et non pas l’hérésie arienne. C’est lui et son peuple qui symbolisent désormais l’élection et la symbiose entre la vraie religion et la nouvelle nation élue. Instaurateur de la vraie religion, avec l’aide de Clotilde son épouse et de saint Remis, législateur et créateur de l’État, il incarne à la fois Moïse et David, deux instruments divins, élus malgré leurs péchés et leurs défaillances. La contribution spécifique de Clovis à ce nouveau chapitre de l’Histoire sainte consiste dans les liens éternels qu’il a forgés entre l’État des Francs et l’Église catholique.
L’image de Clovis s’enrichit de siècle en siècle et les mythes liés à sa personne et à son règne gagnent en sens et en épaisseur ; ils s’adaptent aux besoins de l’État et de la nation naissants, tout en exprimant les aspirations et les dilemmes de leurs temps.
Avec l’éclatement de l’unité religieuse au XVIe siècle et avec la naissance d’un esprit plus critique, l’image de Clovis commence à se fissurer ...