Le retour des esprits, ou la naissance du spiritisme sous le Second Empire
Guillaume Cuchet
Guillaume Cuchet, « Le retour des esprits, ou la naissance du spiritisme sous le Second Empire », Revue d’histoire moderne et contemporaine 2/2007 (n° 54-2), p. 74-90.
Extrait de l’article
Pour les rédacteurs du Magasin pittoresque, le célèbre journal fondé par le saint-simonien Édouard Charton, il ne faisait pas de doute en 1850 que la croyance aux esprits appartenait à une époque révolue de la « civilisation ». Ironie de l’histoire, à peine trois ans plus tard, la France urbaine tout entière faisait tourner les tables et prétendait communiquer avec les esprits. Le plus surprenant est que la pratique ait survécu aux premiers engouements et se soit implantée durablement dans le paysage des croyances contemporaines. Aujourd’hui encore, la tombe de son principal théoricien, Allan Kardec (1804-1869), demeure l’une des plus fleuries du cimetière du Père-Lachaise et l’on ne compte plus le nombre de groupes, revues, livres, sites internet qui lui sont consacrés. Le spiritisme est la seule des doctrines spiritualistes du XIXe siècle qui ait réussi à survivre à la mort de son fondateur et à se transformer en « religion » au sens sociologique du terme.
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La filière des médiums « américains » d’abord, comme Home et les frères Ira et William Davenport, qui font des tournées dans toute l’Europe, à base surtout de manifestations « physiques » spectaculaires.« Ils se disent médiums, ironise Kardec, et n’ont garde d’omettre le titre d’américains, passeport indispensable, comme les noms en i pour les musiciens ». Le premier passage de Home à Paris en octobre 1855 réveille l’intérêt du public et le 13février 1857, il est même reçu aux Tuileries par le couple impérial, qui semble s’être intéressé d’assez près au phénomène.