Les années 1610 vues par Henri, duc de Rohan : brouilleries, passions et “interests particuliers”
Marie-Claude Canova-Green
Canova-Green Marie-Claude, « Les années 1610 vues par Henri, duc de Rohan : brouilleries, passions et “interests particuliers” », Albineana, Cahiers d’Aubigné, 30, 2018, p. 85-98.
Extrait de l’article
Apres la mort de Henry le Grand chacun pensa à ses affaires ; la Reyne à establir son auctorité, les principaux Ministres de l’Estat à maintenir la leur en appuyant la sienne, comme plus facile à estre auctorisée par l’absence du premier Prince du sang [ Condé], l’imbecillité du second [ Conti], & la mauvaise intelligence du troisieme [ Soissons] avec les autres grands, à se relever de l’abaissement, auquel le regne precedant les avoit sousmis. Parmy tout cela les haines s’exerçoient, & les plus habiles se servoient de la passion des autres, pour ruyner l’auctorité de ceux qui ruynoient la leur.
Les Mémoires d’Henri de Rohan s’ouvrent sur la mise à nu des faiblesses du gouvernement sous la Régence, présentée comme un temps de « broüilleries » et de « divisions » . Divisions des puissants entre eux, divisions au sein même de la Cour, dominée par une reine jalouse de son autorité, et bientôt par des favoris sans scrupules, et surtout divisions du parti protestant lui-même, encore exacerbées par les brigues incessantes du duc de Bouillon. La mort subite d’Henri IV sous le poignard de Ravaillac, le 14 mai 1610, a ravivé les haines et les ambitions de tous ceux qui se sentent dépossédés du pouvoir, avec leur cortège inévitable de trahisons, mécontentements et prises d’armes en tout genre. Sur ce fond de divisions se détache la figure de Rohan luimême, aussi désintéressé que les autres sont intéressés, aussi fidèle à sa parole que les autres louvoient et « masquent » , aussi dévoué à la cause du parti que les autres cherchent à lui nuire, et surtout oeuvrant, lui, de toutes ses forces non seulement à l’union des réformés entre eux et avec les princes, mais aussi en faveur de l’unité même du royaume, ne serait-ce que par ses efforts pour persuader le monarque que le sort des Protestants est étroitement lié à celui de la grandeur et de la puissance de la France en Europe. En effet si l’union fait la force, brouilleries et divisions ne peuvent être que synonymes de faiblesse.