Portrait religieux de Louis XIV
Alexandre Maral
Alexandre Maral, "Portrait religieux de Louis XIV", dans Dix-septième siècle, année 2002, volume 4, numéro 217, p. 697-723.
Extrait de l’article
Esquisser le portrait religieux d’une personnalité, fût-elle célèbre, est matière délicate : les intima cordis ne se donnent pas à percevoir avec cette évidence qui caractérise d’autres pans de la personnalité ou de l’activité individuelle. Dans le cas de Louis XIV, dont les multiples facettes de sa dévotion contrastée ont été évoquées en des ouvrages qui font aujourd’hui référence, plusieurs domaines d’approche de sa religiosité, bien qu’évidents, ont cependant été négligés. Quoi de plus pragmatique en effet que la pratique religieuse du souverain analysée au jour le jour ! Certes, les cadres de la dévotion publique du roi relèvent du cérémonial de cour : ils constituent néanmoins, en vertu de leur incessante répétition et de leur inlassable fréquence, un puissant conditionnement de la conception et de l’expression de la piété royale. C’est au travers de cette grille de lecture à laquelle Louis XIV s’est soumis durant tout son règne qu’il est possible de discerner une touche plus personnelle du portrait royal. Parmi les nombreux et prolixes chroniqueurs de la cour, certains se sont livrés à des analyses de la religion du roi : munis d’un langage qui leur était propre, mais relevant aussi de critères d’analyse communément partagés, ils ont laissé du roi des visions concrètes, prises sur le vif, conformes ou non à ce qu’un esprit religieux selon la norme eût été en droit d’attendre en ce temps-là. Enfin, un troisième secteur a été totalement négligé, et de manière regrettable : les Mémoires pour l’instruction du dauphin renferment de très belles pages, dont certaines ont longtemps été supprimées des éditions successives, sur la conception intime du roi en matière de religion et de ses rapports avec le politique.