Voués à quel royaume ? Les Jésuites entre vœux de religion et fidélité monarchique. À propos d’un mémoire inédit du P. de La Chaize
Jean-Pascal Gay
Jean-Pascal Gay « Voués à quel royaume ? Les Jésuites entre vœux de religion et fidélité monarchique. », Dix-septième siècle, 2, 2005 (n° 227), p. 285-314.
Extrait de l’article
La réflexion historiographique sur l’affirmation du pouvoir royal et la monopolisation de la souveraineté politique à son profit a toujours souligné l’importance des limites et des freins au droit du roi. Parmi ceux-ci le plus fondamental est peut-être la nature chrétienne de la monarchie qui oblige le souverain à respecter à la fois les exigences de la loi naturelle mais encore les droits et les prérogatives de l’Église. Les rapports de l’Église et du roi dans la France moderne apparaissent comme « un dangereux équilibre ».
La synergie entre les deux pouvoirs constitue un horizon idéal pour les théoriciens de toutes orientations. L’empiétement d’un pouvoir sur l’autre ne pourrait conduire qu’au désordre et au chaos. Cependant la définition de ce qui constitue un tel empiétement est l’objet d’une négociation permanente et la ligne se déplace en fonction de l’équilibre qui existe entre les deux pouvoirs.
L’histoire de la Compagnie de Jésus en France jusqu’à la suppression de 1762 est largement marquée par les tensions entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Les premiers adversaires de la Compagnie avaient largement mis en avant son incapacité à s’accommoder des maximes de France et avaient voulu faire d’elles le bouc émissaire des troubles de la Ligue. Au cœur de l’incapacité des Jésuites à s’acclimater en France, les adversaires parlementaires, politiques et universitaires des Pères plaçaient les singularités de leur institut et en particulier le quatrième vœu d’obéissance particulière au pape ainsi que la compréhension jésuite de l’obéissance régulière, inlassablement dénoncée comme une obéissance aveugle et contre nature.
Si le roi acceptait l’institut des Jésuites, il acceptait des serviteurs qui, au fond, ne pouvaient lui demeurer absolument fidèles.