Agrippa d’Aubigné, un mythe sans légende, du XVIIe au XXIe siècle
Laurent Avezou
Avezou Laurent, « Agrippa d’Aubigné, un mythe sans légende, du XVIIe au XXIe siècle », Albineana, Cahiers d’Aubigné, 28, 2016. La fabrique du grand homme, p. 23-37
Extrait de l’article
Évoquer la postérité d’Agrippa d’Aubigné, aussi bien homme de lettres qu’acteur politique, ne revient-il pas à tracer des sillons dans la mer ? De son vivant même, l’auteur des Tragiques semble avoir été enseveli dans le même oubli que le contempteur de l’édit de Nantes. Que trouver d’autre à son sujet, sur le temps court, que « quelques dédaigneuses critiques, quelques éloges plus rares encore, un silence presque universel » ? Mais sur le temps long ? Aucun des motifs qui pourraient concourir à une conspiration pluriséculaire de l’oubli ne semble décisif. Le caractère impossible du personnage ? C’est la réputation qui a été faite également à son contemporain Sully, et qui n’a pas empêché ce dernier de rejoindre, certes avec retard, son maître Henri IV dans la légende. Une carrière politique que l’on peut juger ratée, à l’aune du service de l’État ? Nul n’est prophète en son temps ni en son pays, et c’est la marque des géants que de n’être appréhendable qu’à distance. Une langue rude et archaïque ? Ce qui le condamnait au temps de la mesure en toutes choses est devenu sa force à l’âge romantique. Alors, pourquoi, dans le tri sélectif qu’opère la postérité, tandis qu’un mythe a fini par s’en dégager, n’y a-t-il pas de légende discernable d’Agrippa d’Aubigné ?