Observations sur le patrimoine français
Jean-Marie Pérouse de Montclos
Jean-Marie Pérouse de Montclos. Observations sur le patrimoine français, Revue de l’Art, 1993, n° 1, p. 11-16.
Extrait de l’article
En un grand siècle, de l’abbé Grégoire à Riegl, tout a été dit sur le patrimoine, ou presque ! Il restait au XXe siècle à faire l’histoire de la notion. Le texte de référence à cet égard est encore l’exposé publié en 1986 par André Chastel dans les Lieux de Mémoire. La Revue de l’art avait antérieurement (1980) consacré à ce sujet un numéro rassemblant les signatures des plus éminents spécialistes français. Les livres de Françoise Choay (L’allégorie du patrimoine) et celui de Jean-Michel Leniaud (L’utopie française. Essai sur le patrimoine), parus en 1992, avec de nombreuses réflexions de fond, ont fait le point sur l’actualité la plus immédiate.
Depuis quelques décennies, l’exposé a pris le ton du discours. Pas d’années sans quelques colloques sur le patrimoine ; plus d’élections, sans programme patrimonial. Pour en venir là, il a fallu que la patrimoine fasse en quelque sorte « peau neuve ». La souveraine médiatisation de la fin du XXe siècle a fort heureusement compris le patrimoine dans ses œuvres. Ne dissipons pas l’illusion des médias qui ont cru que l’idée était neuve parce qu’ils n’en avaient pas traité jusqu’alors. Le bénéfice, lui, n’a rien d’illusoire : progression des crédits de restauration, engouement pour l’archéologie, affluence dans les musées et les monuments historiques. En 1990, la journée « Portes ouvertes » a vu passer deux millions de visiteurs.
Le phénomène n’est probablement pas à son apogée. On constate que la presse, qui publie les résultats des concours aux grandes écoles, les promotions dans l’ordre de la Légion d’honneur, les nominations des grands commis de l’État, ne donne pas la liste des nouveaux classements comme monuments historiques. En politique, le patrimoine n’est pas encore considéré à l’égal de l’écologie, comme un des grands enjeux de la fin du millénaire.