Élites parisiennes entre XVe et XVIIe siècle : du bon usage du Cabinet des titres
Robert Descimon
Robert Descimon, "Élites parisiennes entre XVe et XVIIe siècle : du bon usage du Cabinet des titres", dans Bibliothèque de l’École des chartes, année 1997, volume 155, numéro 155-2, p. 607-644.
Extrait de l’article
De la fin du Moyen Age à l’âge classique, comment les familles qui appartenaient aux élites urbaines ont-elles, au long des générations, construit et manipulé leurs identités ? Quels changements se sont produits dans la culture et l’imaginaire de la domination sociale et politique ? La réflexion ici proposée ne sépare pas la définition de l’objet (la mutation des supports de la domination sociale) et la critique des documents qui permettent de l’appréhender, d’où le parti pris de mettre en regard des séries généalogiques et des actes de la pratique juridique pour reconstituer sur le long terme, autant que l’état de la documentation le permet, des généalogies sensibles aux jeux de l’alliance et de la collatéralité.
Les « bonnes villes » ont conjugué les temps du privilège bourgeois sur des modes variés. Le choix opéré focalise la recherche sur le devenir de grands lignages parisiens qui ont accaparé l’administration de la ville à la fin du XVe et au début du XVIe siècle. « En s’emparant du pouvoir municipal, l’élite fait plus que s’attribuer un moyen de domination, elle y trouve l’un des signes les plus éclatants de son identité ». Identité, certes, mais qui a changé avec le temps : lors de la croissance impétueuse de « l’Etat d’offices » entre François Ier et Louis XIV, beaucoup de ces familles ont accédé à la haute robe. À l’origine, les couches dirigeantes citadines se sont formées et reproduites « d’après des procédures qui sont la légitimation d’une domination politique et sociale issue et nourrie du milieu urbain ». Par la suite, la société urbaine a dû adapter ses propres critères à des idéologies plus générales, qui situaient les normes de la réussite dans le cadre de l’État monarchique. Ce processus d’unification des structures mentales de la domination est une des évolutions constitutives de l’Ancien Régime. Si la plupart des histoires de lignages que l’on va retracer apparaissent comme des histoires de succès, elles ne revêtent pas des caractères identiques. Leur description permet d’aborder le problème sous une autre face, en étudiant les stratégies d’adaptation mise en œuvre au sein de la grande notabilité parisienne.