François Gabriel et les du Cerceau : la correspondance inédite d’un architecte provincial à la fin du XVIe siècle
Etienne Faisant
Faisant Etienne, « François Gabriel et les du Cerceau : la correspondance inédite d’un architecte provincial à la fin du XVIe siècle », Bibliothèque de l’école des chartes. 2013, tome 171, livraison 2, p. 407-435.
Extrait de l’article
En dépit du renouveau sensible qu’a connu le genre dans ces dernières années, les monographies d’architectes de l’époque moderne restent rares en France, notamment au regard de l’Italie. Ce constat est particulièrement vrai pour la Renaissance : Philibert Delorme, Jacques Androuet du Cerceau, Le Primatice, appelé en 1532 à la cour de François Ier, et Sebastiano Serlio, arrivé à Paris en 1541, ont été l’objet de travaux récents, mais ni Pierre Lescot, ni Jean Bullant, pour ne citer que deux noms parmi les plus célèbres, n’ont encore bénéficié de la même attention. Cette absence est en partie le résultat d’une historiographie davantage soucieuse des monuments et des études typologiques, mais s’explique également par la moindre abondance des sources que dans la Péninsule, les dessins étant infiniment plus rares. Ce double constat vaut plus encore pour les anciennes provinces françaises où, malgré les efforts de l’érudition, on peine souvent à identifier les réalisations des architectes dont la documentation laisse pourtant supposer l’importance : il demeure exceptionnel de pouvoir, comme dans le cas de Jean Delespine à Angers ou des Bachelier à Toulouse, associer au nom d’un artiste un corpus substantiel de constructions. Comme l’a résumé Jean-Marie Pérouse de Montclos, « de grands auteurs sans oeuvre et de grandes oeuvres sans auteur, telle est la situation paradoxale de l’histoire de l’architecture française de la Renaissance ». On comprend donc l’intérêt de toute nouvelle identification, intérêt qui ne put qu’être renforcé lorsqu’on crut pouvoir reconstituer l’oeuvre du fondateur d’une des plus illustres lignées d’architectes français, celle des Gabriel, en lui rendant en outre la paternité d’un des édifices les plus remarquables de la fin du XVIe siècle en France : le château de Thorigny dans la Manche. La découverte de trois lettres envoyées par cet architecte au commanditaire de ce château pour l’informer de l’avancée des travaux amène toutefois à reconsidérer son rôle. Ces très rares documents montrent en effet qu’il ne fut pas le créateur dont on a vanté l’inventivité, l’originalité de son plus éminent chantier étant due à l’intervention d’une autre célèbre dynastie d’architectes, celle des Du Cerceau.