Utiliser, Archiver, Éditer. Usages savants de la correspondance en Europe, XVIIe-XVIIIe siècles
Emmanuelle Chapron, Jean Boutier
Chapron Emmanuelle, Boutier Jean, « Utiliser, Archiver, Éditer. Usages savants de la correspondance en Europe, XVIIe-XVIIIe siècles », Bibliothèque de l’école des chartes. 2013, tome 171, livraison 1, p. 7-49.
Extrait de l’article
Dans un long article rendant compte de la publication par Giovanni Targioni Tozzetti du premier volume des lettres adressées par des savants des Pays-Bas au bibliothécaire florentin Antonio Magliabechi, le Journal des savants décrit en mars 1746 les principales opérations qui ont été nécessaires pour transformer un amas de lettres plus ou moins informe en une archive qui permette l’édition d’une des plus importantes correspondances savantes du XVIIe siècle. « M. T[argioni] a trouvé, dans la biblio- thèque dont il a l’intendance, un amas immense de lettres de sçavans de tous les pays, adressées ou à M. Magliabechi, ou à d’autres personnes illustres d’Italie. Parcourant les lettres pour les arranger, et pour mettre ensemble celles qui appartiennent aux mêmes auteurs, il a compté jusqu’à trois mille huit cent quatre-vingt-huit noms différens, dont les lettres portent les souscriptions. » Targioni précise que la correspondance est cer- tainement incomplète, car Magliabechi avait l’habitude de faire circuler parmi ses amis les lettres qu’il recevait, et il n’avait adopté aucun système de rangement : « les livres, les papiers étoient en monceaux dans la chambre qu’il habitoit, & il avoit coutume de dormir, de manger & de marcher sur ces tas de papier : ce qui n’a pu se faire sans qu’il y eût beaucoup de perdus & de gâtés ». L’article décrit ensuite par le menu le projet de Giovanni Targioni, depuis le tri pour isoler « celles qu’il a cru mériter de voir le jour », c’est-à-dire celles « dont on peut tirer quelqu’éclaircissement pour l’His- toire, ou Civile, ou Ecclésiastique, ou naturelle, ou qui contiennent quelque chose d’instructif pour quelqu’autre partie de la Littérature » ; une fois les lettres triées par auteurs et expurgées des propos injurieux ou offensant (chaque coupure étant rendue visible par des astérisques ou des points), il a réparti ces auteurs en diverses « classes, en raison de leur Patrie » ; chaque classe, ordonnée chronologiquement, proposera ainsi « une histoire litté- raire de quelques uns des pays de l’Europe ».