Jean Baudoin (1584-1650), témoin de la culture baroque et pionnier du classicisme
Emmanuel Bury
Emmanuel Bury, "Jean Baudoin (1584-1650), témoin de la culture baroque et pionnier du classicisme", dans Dix-septième siècle, année 2002, volume 3, numéro 216, p. 393-396.
Extrait de l’article
Jean Baudoin est souvent cité comme un des premiers membres de l’Académie française. De fait, comme une grande part des fondateurs de l’illustre compagnie, son « œuvre » est constituée essentiellement de traductions ; à ce titre, il fait parfaitement le lien avec l’humanisme triomphant d’un Amyot ou d’un Blaise de Vigenère, tel qu’il avait triomphé dans le cadre de l’Académie du Palais suscitée par Henri III ; outre un intérêt pour la fiction romanesque, Baudoin témoigne aussi d’un intérêt continu pour la réflexion politique et philosophique, qui est particulièrement sensible dans ses traductions de Juste Lipse (Politica, 1650) ou du Chancelier Francis Bacon (pour la traduction duquel il obtient un privilège global en 1641) ; le goût qu’il a toujours montré pour l’ajout de « maximes » politiques et morales à ses « belles infidèles » (qu’il récrivait, le plus souvent, à partir de travaux antérieurs) va dans le même sens. Enfin, son attachement à la culture de l’emblème retient aujourd’hui encore l’attention des historiens de l’art, et intéresse en général les spécialistes de l’iconographie. Esprit curieux, attaché aussi bien aux savoirs issus de l’humanisme conquérant qu’à l’émergence des langues vernaculaires (anglais, espagnol, italien), Jean Baudoin est, à sa manière, une figure caractéristique de la culture de l’Europe « baroque ». Mais, dans un même mouvement, reconnu d’emblée comme un artisan de la langue française, il peut aussi apparaître comme un pionnier du « classicisme », par le souci constant de partager ses compétences entre le domaine européen (néo-latin et vernaculaire), et la promotion de la prose d’art française, au moment même où celle-ci devient l’idiome commun de l’Europe savante.
Né vers 1584, Jean Baudoin commence sa carrière au service de la reine Marguerite de Valois au plus tard en 1605. Les archives rapportent que la somme de trente-cinq écus lui avait été baillée le 14 avril 1610, « pour apprendre la langue espagnole par commande de sa Majesté ». Très tôt, il semble donc spécialisé dans la connaissance des langues étrangères, et pas seulement dans celle des langues anciennes. Peu d’éléments nous permettent aujourd’hui de connaître ce que fut sa formation intellectuelle ; selon les témoins du temps (Pellisson), il aurait parcouru l’Europe dans sa jeunesse, ce qui attesterait d’une éducation nobiliaire couronnée par le traditionnel Iter academicum. Albert Osborn et Henry Kynaston-Snell ont établi, grâce aux archives, son appartenance à la Maison de Marguerite de Valois. Mais on ne sait guère comment il a abouti à cette charge de « lecteur », aucune hypothèse ne semblant concluante. Le pseudonyme d’Antoine de Bandole qu’il choisit alors pour publier ses premiers ouvrages signale au mieux, par ses connotations nobiliaires, son désir de reconnaissance auprès de la cour.