Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe VI de Valois : une reine maudite ?
Aline Vallee-Karcher
Aline Vallee-Karcher, "Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe VI de Valois : une reine maudite ?", dans Bibliothèque de l’École des chartes, année 1980, volume 138, numéro 1, p. 94 - 96.
Extrait de l’article
Peu de reines de France ont laissé dans la mémoire collective une image plus sombre que « la male royne boiteuse », sinon ses sœur et cousines Marguerite, Blanche et Jeanne de Bourgogne, brus de Philippe le Bel, les reines adultères.
Jeanne de Bourgogne, fille du duc Robert et d’Agnès de France, épousa vers 1313 Philippe de Valois. Cette femme intelligente, instruite, pieuse et de grande volonté, exerça sans nul doute une profonde influence sur son mari qui la consultait souvent et lui confia même la régence du royaume. Il est certain aussi qu’elle usa de son influence pour lier le plus étroitement possible la politique française aux intérêts de la Papauté, de l’Empire et de sa famille bourguignonne, particulièrement ceux de son frère Eudes IV, duc de Bourgogne. Un historien contemporain voit dans cette « attention portée aux choses de l’Est » le contrepoids nécessaire à l’influence des hommes de l’Ouest — bretons et normands — plus naturellement ouverts aux thèses anglaises.
Il est bien évident que ce jugement porté à froid ne pouvait être celui des hommes du XIVe siècle, surtout s’ils étaient hostiles aux Bourguignons ou écrivaient sous le règne de Charles VI, en pleine domination anglaise. Or, les chroniqueurs qui ont cité Jeanne de Bourgogne, Froissart en tête, sont dans ce cas et rédigent à partir de racontars, dans la seconde moitié du siècle, donc bien après la mort de la reine. Leurs jugements sont ceux d’ennemis politiques, aussi suspects que l’opinion de Robert d’Artois traitant Jeanne de « deablesse » parce qu’elle s’opposait à sa cause.