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Les Dioscures à Versailles : fratries et gemellités fantasmatiques des Mémoires

François Raviez

Raviez, François. Les Dioscures à Versailles : fratries et gemellités fantasmatiques des Mémoires, Cahiers Saint-Simon, n° 42, 2014. Eros chez Saint-Simon. Journée d’études du samedi 8 mars 2014, p. 83-94.

Extrait de l’article

Plus qu’en toute autre époque, la famille a été sous l’Ancien Régime la structure fondamentale du corps social : le sang fonde la transmission, conditionne les fidélités et autorise l’individu à occuper la place que lui vaut sa naissance. La légitimation des bâtards, les usurpations de tous ordres que Saint-Simon condamne à longueur de page, n’ont pas de prise sur une évidence : rien ne saurait empêcher que l’aîné ne soit l’aîné, et que le cadet vienne en second. La primogéniture par les mâles place Louis avant Philippe, comme elle impose que le premier fils hérite et que les suivants deviennent ce qu’ils pourront. Les Mémoires ne sont pas tendres pour les cadets, non que Saint-Simon, fils unique, leur en veuille particulièrement, mais parce qu’il se fait l’écho des valeurs de son temps et de son milieu.

Le chevalier de Villeroi se noya dans la capitane de Malte, qui coula à fond en attaquant un bâtiment turc de quatorze pièces de canon. Spinola était le général, qui se sauva seul avec le chevalier de Saint-Germain et deux matelots ; tout le reste fut noyé. Ce chevalier de Villeroi était beau et bien fait, et n’avait nulle envie de faire ses caravanes ; mais le maréchal de Villeroi qui ne voulait qu’un aîné, qui destinait le second à l’Eglise pour en faire un archevêque de Lyon, et qui avait fort gaillardement marié une fille en Portugal et cloîtré les autres, força ce troisième fils à partir, et eut tout lieu de s’en repentir.

Toute une vision du monde apparaît dans une simple relative. Le futur gouverneur de Louis XV agit comme s’il voulait se débarrasser des deux garçons et des trois filles qui succèdent au premier-né. Le tragique qui affleure ici est un tragique de caste, tempéré d’un granule de bêtise : rappelons que Villeroi, pour Saint-Simon, n’est que « force vent, parfait vide » (V, 277).

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