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Bilatéralité vs conceptions androcentriques de la parenté en Europe : quelques réflexions à partir des arbores consanguinitatis de la fin du Moyen Âge
Simon Teuscher
Teuscher Simon, « Bilatéralité vs conceptions androcentriques de la parenté en Europe : quelques réflexions à partir des arbores consanguinitatis de la fin du Moyen Âge », Genre & Histoire, 21, Printemps 2018.
Extrait de l’article
Le développement tout à fait unique des sociétés occidentales tiendrait principalement au caractère bilatéral de leur système de parenté. Ainsi, s’inscrivant dans une tradition de recherche incarnée entre autres par Jack Goody et Michael Mitterauer, le bilatéralisme a été considéré comme une condition indispensable d’une soi-disant « faiblesse » de la parenté. Celle-ci trouverait son pendant dans une série de développements comme la construction de l’État, la mobilité, l’égalité entre les genres, l’entrepreneuriat économique, ou encore l’individualisme. Selon cette thèse, ce système de parenté bilatéral aurait conféré à l’Occident une place unique à partir du Moyen Âge central par rapport au reste du reste du monde, où la parenté serait restée forte.
De telles interprétations sont problématiques, ne serait-ce que parce qu’elles se fondent sur un récit particulier de la modernisation et son présupposé silencieux, qui voudrait que la parenté, après le Moyen Âge, n’ait pu que perdre son importance dans l’histoire de l’Europe. Les travaux publiés rapidement depuis ces propositions fortes nous invitent plutôt à affirmer le contraire : l’âge d’or du recours à la parenté pour définir les dynasties et les inégalités basées sur la descendance en termes d’héritage ou de races est plus tardif et se situe plutôt au début à la période moderne. Ces usages de la parenté étaient le résultat d’efforts délibérés pour reconceptualiser l’ordre social, et qui impliquaient entre autres un travail théorique au cœur des préoccupations des savants, et ce dès le Moyen Âge.
