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L’état monarchique et la famille (XVIe-XVIIIe siècle)

André Burguière

André Burguière, "L’état monarchique et la famille (XVIe-XVIIIe siècle)", dans Annales, 56e année, 2001/2.

Extrait de l’article

"Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude, / Un Prince dont les yeux se font jour dans les cœurs, / Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs."

Ainsi s’exprime l’exempt dans la dernière scène du Tartuffe. Ce roi qui sait tout, qui voit tout et qui est capable d’intervenir dans n’importe quelle famille pour y rétablir l’ordre et la justice, n’est-il pas la figure de l’ambition absolutiste et l’image nouvelle que la monarchie veut donner d’elle-même ? Avant de voir dans cette description du pouvoir monarchique une préfiguration du Big Brother d’Orwell ou du panoptique pénitentiaire présenté par Michel Foucault comme la métaphore de l’État moderne, nous devons nous rappeler que l’idée du roi justicier, prêt à se saisir de n’importe quelle affaire, à écouter les doléances des plus humbles, correspond en France à l’une des plus anciennes images de la monarchie : c’est le bon roi Saint Louis rendant la justice à Vincennes au pied de son chêne.

Quant à l’image paternelle de l’autorité royale, elle est aussi inscrite depuis longtemps dans le discours politique. Le chanoine Bricot a-t-il le sentiment d’innover quand il propose d’appeler Louis XII, « Louis douzième, père du peuple », lors de l’assemblée des notables de 1506 ? La déclaration royale du 26 novembre 1639 exprime peut-être un souci nouveau quand elle proclame que « la naturelle révérence des enfants envers leurs parents est le lien de légitime obéissance des sujets envers leurs souverains », quoique l’idée d’une analogie entre l’ordre dans la famille et l’ordre dans le royaume constitue un cliché déjà ancien de la philosophie politique.

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