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Le couple aristocratique au haut Moyen Âge

Régine Le Jan

Régine Le Jan, « Le couple aristocratique au haut Moyen Âge », Médiévales 65, automne 2013, p. 33-46

Extrait de l’article

Au IIIe siècle, le juriste Modestin définissait le mariage comme « l’union de l’homme et de la femme, une communauté de toute une vie, la mise en commun de ce qui relève du droit humain et du droit divin », établissant ainsi le couple comme coextensif du mariage. À la fin de l’Antiquité, le développement d’une parenté de plus en plus cognatique et le christianisme avaient affaibli les vieilles gentes et les élites romaines mettaient en avant la conjugalité. En témoignent les inscriptions funéraires qui la rendent visible, ou encore le traité Ad Gregoriam in palatio, rédigé probablement à la fin du Ve siècle par un certain Jean pour une Romaine de rang sénatorial qui était mariée. L’auteur y développe les devoirs d’une domina qui participe directement, en tant qu’épouse chrétienne, à la gestion conjugale. En système de parenté cognatique, le mariage a une double fonction : non seulement il assure la reproduction de la lignée par la création d’une nouvelle cellule sociale, mais il établit aussi un lien d’amitié fort entre donneur et preneur de femme. Nous savons qu’au haut Moyen Âge, le mariage était un élément essentiel des stratégies distinctives développées par les élites dirigeantes pour se maintenir et se reproduire en tant qu’élites. Mais pour autant, tous les mariages atteignaient-ils ce but ? Est-il si sûr que les couples aient toujours été assez solides pour développer les stratégies familiales et les promesses mises en eux ? Il s’agit d’une question importante, qui relève moins du droit que des forces de collaboration dans le couple, des modalités d’officialisation et de l’identité du couple en tant qu’acteur social. J’ai privilégié la longue durée pour mettre en lumière les changements et discuter l’importance du moment carolingien. Dans les années 820 arrive en effet à maturité une théorie politique, formulée par les évêques, qui repose sur une conception familiale du pouvoir : l’empire est conçu comme une famille, irriguée par l’amour qui s’épanouit dans la fidélité. Inscrite dans un ordre qui fait du couple et de la famille impériale l’atome et le modèle sur lequel se construit l’édifice social, l’idéologie carolingienne confère au système politique une affectivité performative. Il convient donc de voir si le IXe siècle représente une césure dans l’histoire du couple aristocratique. Y a-t-il un avant et un après IXe siècle ?

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