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Les ambiguïtés de l’aînesse masculine. Transferts patrimoniaux et transmission du statut social de génération en génération

Sibylle Gollac

Gollac, Sibylle, « Les ambiguïtés de l’aînesse masculine. Transferts patrimoniaux et transmission du statut social de génération en génération », Revue française de sociologie, 2013/4 (Vol. 54), p. 709-738.

Extrait de l’article

La sociologie de la famille durkheimienne, dont a largement hérité la sociologie de la famille française contemporaine, a fondé l’idée d’un affaiblissement de la place des relations économiques dans les liens de parenté : les « choses » seraient de moins en moins le « ciment de la société domestique », au profit d’attachements sentimentaux électifs. Durkheim en venait même à prédire la fin de l’héritage : « Un jour viendra où il ne sera pas plus permis à un homme de laisser, même par voie de testament, sa fortune à ses descendants, qu’il ne lui est permis de leur laisser ses fonctions et ses dignités. » (Durkheim, [1892] 1975, p. 44). Si cette prédiction ne s’est pas réalisée, la thèse qui la sous-tend a été reprise, nuancée et actualisée dans les travaux de François de Singly, qui relie la montée en puissance des liens affectifs dans la sphère familiale, au détriment des relations économiques, au poids croissant du capital culturel et de la méritocratie dans la définition et la transmission des positions sociales (Singly, 2007, p. 93). Des relations affectives désintéressées constitueraient un meilleur support pour la transmission du capital culturel. La sociologie classique de la famille a ainsi établi un lien entre les transformations du poids de l’héritage économique dans la stratification sociale et celles des relations entre parents et enfants : « Avec le primat du capital scolaire, les relations entre les parents et les enfants sont en quelque sorte “épurées” ; elles ne servent plus de support à la transmission directe du capital. », écrit Singly (1996, p. 23-24). Il poursuit : « Contrairement à la famille paysanne ou à la famille bourgeoise, le père ne désigne plus son héritier. Il peut créer les conditions sociales, culturelles, économiques assurant ses enfants d’une meilleure réussite à l’école, mais il n’est plus le maître de la validation sociale de ses enfants. […] Impossible à un père diplômé de déshériter son fils ou sa fille de son diplôme en raison d’une mauvaise conduite. » (1996, p. 257). Les changements de la société française auraient ainsi permis un adoucissement des relations entre générations, empêchant notamment les parents de privilégier un enfant plutôt qu’un autre.

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