Dans la France du Nord-Ouest au XIIe siècle : les ‘Jeunes’ dans la société aristocratique
Georges Duby
Georges Duby, « Dans la France du Nord-Ouest au XIIe siècle : les ‘Jeunes’ dans la société aristocratique », in Annales E.S.C., n° 5, vol. 19, 1964, p. 835-846.
Extrait de l’article
Dans les écrits narratifs composés au XIIe siècle dans le Nord-Ouest du royaume de France, on voit certains hommes de bonne naissance désignés comme étant des « jeunes », soit individuellement par l’adjectif juvenis, soit collectivement par le substantif juventus. De toute évidence, ces termes sont des qualificatifs précis, utilisés pour marquer l’appartenance à un groupe social particulier. Parfois, ils sont employés à propos de gens d’Église, et notamment pour distinguer une certaine fraction de la communauté monastique. Le plus souvent, cependant, ils s’appliquent à des hommes de guerre et servent à les situer dans une étape bien déterminée de leur existence. De cette étape, il importe en premier lieu de reconnaître les bornes. Il apparaît très clairement que celui qu’on appelle un « jeune » n’est plus un enfant, qu’il a dépassé le temps de l’éducation et des exercices préparatoires à l’activité militaire. Pour qualifier les fils de la noblesse qui apprennent encore les usages et les techniques propres à leur état, les auteurs de ces récits usent, en effet, exclusivement d’autres mots, puer, adulescentulus, adolescens imberbis. Ces vocables sont employés par eux à propos de jeunes gens qui sont nettement sortis de ce que nous appelons l’enfance, qui ont dépassé quinze, dix-sept et même dix-neuf ans, mais qui n’ont pas terminé leur apprentissage. Le « jeune », par conséquent, est un homme fait, un adulte. Il est introduit dans le groupe des guerriers ; il a reçu les armes ; il est adoubé. C’est un chevalier.