La Beauté monstrueuse de la courtisane dans quelques sonnets renaissants français
Audrey Gilles-Chikhaoui
Gilles-Chikhaoui, Audrey, "La Beauté monstrueuse de la courtisane dans quelques sonnets renaissants français", dans Réforme, Humanisme, Renaissance, n° 70, 2010, p. 27-38.
Extrait de l’article
Dans la littérature française de la Renaissance, le terme de courtisane est complexe et renvoie à plusieurs types féminins. C’est d’abord la putain, la fille de rue qui se prostitue, la plebeia meretrix. Putain est issu du latin putidus signifant « puant, pourri » , dérivé du verbe putere, « pourrir, se corrompre » et désigne donc une femme moralement corrompue. Ce terme d’emploi trivial et péjoratif est remplacé en contexte de langue courante à la Renaissance par le mot courtisane. Il existe cependant un autre de type de putain, plus élevé, la courtisane honnête : il s’agit d’une femme vendant ses charmes, libérée, qui a souvent reçu une éducation artistique, mène un train de vie confortable et qui se rencontre particulièrement en Italie, ce dont témoignent les écrits des auteurs français ayant voyagé dans ce pays. C’est ce type de courtisane qui nous intéressera ici. Cette femme publique est donc celle qui appartient à tous, qu’on se partage, qui se montre et se donne à chacun, qui sait se faire connaître et reconnaître en vue d’un commerce des corps. Paul Larivaille a montré comment le sens de courtisane s’est modifié en Italie à la fin du XVe siècle, passant de « dame de cour » à « prostituée honnête » . Il note également que « le paradoxe n’est toutefois qu’apparent, dans la mesure où l’honnêteté à laquelle il est fait allusion n’a rien à voir avec la chasteté, mais caractérise plutôt un train de vie bourgeois, culture et bonnes manières » . En France, le sens de courtisane suit le même parcours, notamment grâce au Livre du Courtisan de Castiglione, paru en 1528 et traduit pour la première fois en français en 1537. Si Castiglione emploie « donna di palazzo » pour désigner le pendant féminin du courtisan – et on retrouve dans la traduction française de 1537 « dame de palais » – c’est à partir de son ouvrage qu’un glissement de sens s’opère : la courtisane évoque alors aussi bien une femme publique qu’une « amye de court », pour reprendre le titre de La Borderie.
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