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’Le fait est certain, & cela suffit’ : regard des Lumières sur l’eunuque

Marie-Laure Delmas

Delmas, Marie-Laure, « ’Le fait est certain, & cela suffit’ : regard des lumières sur l’eunuque », Dix-huitième siècle 1/2009 (n° 41), p. 431-447.

Extrait de l’article

Dans l’Encyclopédie, la réécriture ou le réemploi sous toutes ses formes sont souvent un support à la critique philosophique dont l’objectif est le progrès et la connaissance. Le médecin A. d’Aumont, pour son article sur l’eunuque, reprend de cette manière une grande partie du « Discours sur l’homme » de l’Histoire naturelle de Buffon. Dans l’ensemble, il s’applique à rectifier légèrement ce texte par l’ajout ou le changement d’un mot ici ou là sans faire varier le sens de manière criante. La parole de l’un paraît se fondre dans celle de l’autre de telle sorte que les idées exposées sont, à première vue, comme versées dans un fond commun qui, dirons-nous, est la pensée des Lumières. Convergence (plutôt que divergence) de vues : en s’appuyant de la sorte sur un texte faisant autorité en la matière, on tente d’éclairer un phénomène qui se refuse à l’explication sensée. La castration est une pratique ancienne, dont on parle dans la Bible : sanction inscrite dans les lois pour punir l’homme adultère ou lâche, l’ennemi vaincu. Dans tous les cas, cette pratique détermine de manière irrémédiable l’homme qui y est soumis. Or, toute forme de mutilation est généralement condamnée par les Lumières. Quelles raisons pourraient bien pousser un individu à soumettre son semblable ? Reçue des textes antiques, la figure de l’eunuque est une image à la fois lointaine et proche, irréelle et pourtant encore vivante. Elle est aussi véhiculée par les textes des voyageurs qui fournissent les témoignages nourrissant une réflexion d’ordre médical, moral et politique. En effet, l’observation des mœurs est importante pour le philosophe des Lumières, elle lui révèle que l’identité de l’homme tend à s’affranchir du religieux. En interrogeant le monde, il cherche à percer le mystère de sa spécificité : son humanité. Pourtant, quand l’homme de science porte son regard sur cette victime de la barbarie, est-il forcément si bienveillant ?

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