« Du serpent et du tigre » : Charles II de Navarre, le « démon de la France »
Gilles Lecuppre
Gilles Lecuppre, « Du serpent et du tigre » : Charles II de Navarre, le « démon de la France », Histoire culturelle de l’Europe, 1, 2016
Extrait de l’article
D’emblée, l’évocation de « Charles le Mauvais » dénote la formidable ténacité d’une campagne de médisance qui a su se renouveler constamment. Au sein de ce dossier, le personnage fera peut-être figure d’ancêtre, puisqu’il a évolué au XIVe siècle, plus précisément de 1332 à 1387. Dans le cadre et la perspective qui sont les nôtres, il possède néanmoins le premier mérite d’avoir été un prince hispano-normand. Par ailleurs, qualitativement et quantitativement, il a toute sa place dans une réflexion sur les légendes noires. L’éminent chartiste, archiviste-paléographe, médiéviste, et éditeur des chroniques de Froissart, Siméon Luce, auteur notamment d’une Histoire de Bertrand Du Guesclin, disait de notre vilain héros en 1876 :
On chercherait vainement dans l’histoire un personnage plus repoussant que Charles II, roi de Navarre. Si le crime est odieux, la perfidie est à la fois odieuse et méprisable ; or, Charles le Mauvais fut la perfidie en personne.
Il ajoute à ce bilan péremptoire un portrait à la sanguine à la manière des biographes qui entretiennent une certaine familiarité avec leur héros, pourtant difficile à caractériser simplement à la seule lumière des sources médiévales :
Il y avait du serpent et du tigre dans ce petit homme d’allure féline, à l’œil vif, au regard chatoyant, d’une faconde intarissable, qui faisait d’abord patte de velours même aux gens qu’il voulait égorger.