Nicolas Foucquet au jeu des miroirs
Wolfgang Leiner
Wolfgang Leiner, "Nicolas Foucquet au jeu des miroirs", dans Cahiers de l’AIEF, 1970, volume 22, numéro 22, p. 249-275.
Extrait de l’article
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En plus des fonctions de procureur général et de ministre des finances, Foucquet remplit la charge de « surintendant des belles-lettres », emploi qui a contribué autant, et peut-être même plus que son rôle politique, à assurer sa célébrité. Les nombreux ouvrages qui lui sont dédiés entre 1655 et 1661 témoignent de l’énorme prestige dont il jouissait auprès des auteurs et le placent au rang des protecteurs les plus sollicités de son siècle. Ceux qui ont « quelque talent d’écrire avec succès » vont vers lui, nous assure P. Corneille, et le révèrent comme leur dieu tutélaire. Aux hommages des dédicaces s’ajoutent les remerciements contenus dans des poèmes d’occasion, les éloges qui figurent dans des lettres ou, sous une forme plus discrète, dans telle page de roman. Il faudra mentionner également les formules de respect que les auteurs reconnaissants glissent dans les écrits adressés à des personnes de l’entourage du ministre :dans des lettres aux membres de sa famille, dans des lettres, poèmes ou ouvrages en prose envoyés à Peilisson, secrétaire de Foucquet et « sarbacane » des auteurs auprès du surintendant.
Le portrait de Nicolas Foucquet qui se dégage de ces documents n’est qu’une image partielle et partiale : le seul but des écrivains n’étant souvent que de présenter, comme nous le fait remarquer Corneille, "(les) hommages que nous devons tous à ce concert éclatant et merveilleux de rares qualités et de vertus extraordinaires qui laissent une admiration continuelle à ceux qui ont le bonheur de l’approcher".
Pour corriger les déformations dues à un fond de miroir trop fortement coloré de sympathie, il sera donc nécessaire de superposer à ce portrait quelque peu idéalisé celui que réfléchissent les correspondances et les mémoires de l’époque, le portrait qui se détache sur un fond teinté d’indifférence, de méfiance, d’incompatibilité d’humeur, d’envie, de haine même.
La multitude des reflets qui nous parviennent de toute part montrent à quel point Foucquet s’imposait à l’attention de ses contemporains. En 1660, il avait acquis une « réputation si générale » que Gabriel Gilbert estimait difficile de nommer une autre personne qui lui pût être comparée.