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De la ville de province en paroles et en musique à la ville silencieuse ou la disparition de l’entrée royale sous Louis XIII

Marie-France Wagner

Wagner M.-F., "De la ville de province en paroles et en musique à la ville silencieuse ou la disparition de l’entrée royale sous Louis XIII", Dix-septième siècle 2001/3, N° 212, p. 457-475.

Extrait de l’article

Il est certain que les Escrits ne sont que les images
des Discours, & qu’il s’en trouve de differentes especes,
autant des uns que des autres. Les premiers et les
plus simples sont les Dialogues, où chacun prend sa
part, & où l’on traite les choses librement. Quand un
homme parle seul à une assemblée, ou à quelque personne
de haute dignité, cela s’appelle une Harangue,
principalement si tout ce qu’il dit n’est que des raisonnements
& des persuasions de quelque chose [...].

On peut lire dans La Bibliothèque françoise de Charles Sorel que « les Escrits ne
sont que les images des Discours ». L’écriture est l’image de la parole et les lettres
sont les images des mots. Des paroles prononcées lors des cérémonies d’entrée
royale, il ne reste que les signes. L’écriture, dans sa visée anthropologique, a permis
à l’homme, entre autres, de faire l’histoire et de la penser, de voir Dieu et de façonner
en une multitude de reflets son image « vive & parlante », c’est-à-dire celle du
roi terrestre. De l’univers abstrait de l’écriture, miroir et mémoire du monde, surgissent
des discours actualisés par le lecteur, certes, mais aussi par leur énonciateur
qui, à l’exemple de l’assesseur d’Avignon, harangue le roi debout en « deployant les
thresors de sa riche faconde, & de son bel esprit, que je puis appeler une bibliotheque
mouvante à l’exemple d’Eunapius & une lyre bien haut montée ».

Le magistrat possède une somme de connaissances et son discours réactualise tout un
savoir, toute une vérité, avec harmonie, tel un second Orphée, dont le son de la
lyre, désignation extérieure du contenu discursif, confère le côté sensible aux mots.
Les harangues des Grands sont des paroles pesées, écrites et lues lors de l’événement
festif, car l’improvisation n’est pas coutume dans une cérémonie aussi codée
où tout observe un protocole strict. De longueur variable, elles sont un élément du
rituel et un trait générique des relations d’entrée et sont si importantes que certaines,
comme celle de l’évêque de Montpellier est jugée le modèle du genre par
l’auteur du Mercure François qui écrit : « Cette harangue fut publiée et imprimée dans
toutes les bonnes villes de France : on la trouve bien faite » ; elle y occupe vingt
pages. Ou la Harangue faite et prononcée au roi à son entrée dans la ville de Montpellier, par
les pasteurs et anciens du consistoire de l’Église réformée de la dite ville, ou encore celle de
Pierre Scaron, évêque de Grenoble, ont fait l’objet d’une édition à part. Qui « de sa
riche faconde », qui surnommé « Demosthène François » pour « les doux accents
de son éloquence [...], aussi bien que par ses actions [...] merite [le titre] d’Aristide
Lyonnais » s’adressent au roi. L’éloquence du discours, art de toucher et de persuader
par la rhétorique, s’allie à la parole qui dévoile l’intégrité du harangueur. La
parole est l’art de l’esprit qui se manifeste en tant qu’ « esprit » en s’exprimant
dans le discours par l’intermédiaire du langage...

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