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Les monstres aux pieds d’Hercule. Ambiguïtés et enjeux des entrées royales ou l’encomiastique peut-elle casser les briques ?

Christian Biet

Christian Biet, "Les monstres aux pieds d’Hercule. Ambiguïtés et enjeux des entrées royales ou l’encomiastique peut-elle casser les briques ?", Dix-septième siècle, 2001/3, N° 212, p. 383 à 403.

Extrait de l’article

Pour fêter l’entrée dans l’an 2000, une cellule fondée par le ministère de la Culture
et chargée des Célébrations, avait imaginé qu’on placerait le long des ChampsÉlysées,
pour le 31 décembre 1999, une suite réglée d’arcs de triomphe. Chacun de
ces arcs devait être conçu et réalisé par un grand architecte, grand scénographe ou
grand décorateur français, afin que le peuple puisse défiler sous les portes de
l’an 2000 et franchir dans le froid de l’hiver mais d’un pas alerte les temps radieux du
futur. Las ! Le projet fut abandonné faute d’avoir répondu aux normes de sécurité :
les arcs sont trop dangereux de nos jours et l’on doit compter avec la fragilité des
grues. Les arcs prévus ne sont plus que des esquisses qui s’entassent probablement
dans les cartons ministériels pour la plus grande joie des futurs chercheurs. On fit
donc place aux roues foraines, plus commodes et plus sûres, où l’on projeta des images.
Les portes de l’an 2000 furent pour la Province, à condition qu’elles fussent de
faible ampleur, plus intimes, et bien assurées. Les hommes de plume pourraient toujours
les décrire plus grandes...

Le grandiose est en voie de disparition, s’il a jamais existé, mais l’idée reste, bien ancrée dans l’Histoire depuis l’Empire romain, renouvelée par la royauté française, célébrée par la Révolution, réutilisée par l’Empire, que pour être glorieux et puissant, il faut savoir entrer dans une ville, de préférence
accompagné d’une troupe chamarrée, et faire en sorte que le public en parle. Mais
pour entrer, il faut qu’il y ait une porte, de préférence sublime, triomphante et
ouvragée, c’est la tradition des rois et des héros.
Prenons donc les choses comme elles sont au XVIIe siècle2 : le roi n’est plus une
sorte de David biblique, il a changé de maison et d’apparence. Henri IV est un roi
moderne, un roi de guerre et de raison, un roi de paix aussi, et de réconciliation.

L’encomiastique et la propagande font en sorte que le mode de fonctionnement de
la puissance royale oblige l’esthétique de cette représentation à donner au Prince ces
qualités nouvelles, ou renouvelées, et à les figurer. Dès lors se mêlent un langage ou
une rhétorique de l’hyperbole et une nécessité de recourir aux représentations existantes
des héros et des dieux les plus célèbres afin qu’on puisse opérer une adéquation
du roi aux héros et aux dieux mythologiques...

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