De la guerre à la fête
Émilie de Orgeix
Orgeix, Émilie de, De la guerre à la fête, dans Dominique Morelon (dir.), Chroniques de l’éphémère, Paris, INHA (« Les catalogues d’exposition de l’INHA »), 2010, en ligne (http://inha.revues.org/2841)
Extrait de l’article
Dans toute l’Europe, l’utilisation de la poudre noire est louée à partir de la Renaissance comme la plus renversante invention de tous les temps. Bouleversant les codes chevaleresques d’honneur et de courage, elle forge un nouvel ordre militaire où « le capitaine expérimenté » cède place à l’ingénieur artilleur. Grâce à son emploi, un petit nombre d’hommes peut désormais gagner une place forte jusqu’alors jugée imprenable. Francesco di Giorgio Martini, l’un des premiers auteurs à traiter de l’attaque « à la moderne », dévoile dans son traité le désarroi que provoque cette diabolique invention : « I moderni hanno trovato uno strumento di tanta violenza, che contro quello le armi, gli studi, la glagardia poco o niente vale [...] non humana ma diabolica invenzione [...]». Dans la péninsule ibérique, Cristóbal Mosquera de Figueroa emploie le même type de discours pour juger les dégâts causés par l’artillerie lourde : « mortal y estupenda invencion que pone horror al pensiamento ». À la même époque, le poète soldat Thomas Churchyard sonne en Angeleterre le glas de l’arc face aux effets dévastateurs du canon « First, the bow great battles won, and long the bow great glory got, before we knew the gun, but when that strength and courage failed, the shot and roaring canon came, and stout people to deface ». En France, plusieurs auteurs, dont Ambroise Bachot dans Le timon du capitaine [...] puis Le Gouvernail d’Ambroise Bachot [...], s’appliquent à enseigner les nouveaux rapports de force instaurés par l’artillerie.