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Du bleu et du noir : éthiques et pratiques de la couleur à la fin du Moyen Âge

Michel Pastoureau

Michel Pastoureau, "Du bleu et du noir : éthiques et pratiques de la couleur à la fin du Moyen Âge", dans Médiévales, 1988, n° 14, p. 9-21.

Extrait de l’article

Le peintre, le teinturier et le théologien : tels sont les trois "spécialistes" de la couleur dans l’Occident médiéval. On pourrait leur adjoindre le héraut d’armes, expert en blasons, bannières et livrées, même si c’est un tard venu sur le champ social et si la frontière est longtemps restée floue qui séparait le monde des hérauts de celui des peintres. On pourrait leur adjoindre aussi plusieurs représentants de corps de métiers qui, à un titre ou à un autre, entretiennent avec le monde des couleurs des rapports plus ou moins étroits : le tailleur et le drapier, l’orfèvre et l’émailleur, l’alchimiste et le médecin, par exemple. Mais aucun d’eux ne joue véritablement dans le domaine de la fabrication, de la vogue et de la morale des couleurs un rôle comparable à celui du peintre, du teinturier et du théologien.

Les trois personnages exercent les uns sur les autres des influences beaucoup plus fortes qu’on ne pourrait le croire de prime abord. En matière de couleurs, la technique et la symbolique sont inextricablement liées, et il serait vain pour l’historien d’étudier l’une en délaissant l’autre. Toutefois, dans les incessants allers et retours entre la chimie des pigments et les enjeux idéologiques de la couleur, il me semble que ce sont presque toujours ces derniers qui sont prioritaires et qui déterminent les choix, les pratiques, les modes et les systèmes de valeurs. Pour l’homme du Moyen Âge, ce qui relève du domaine idéologique et symbolique est toujours plus important et plus contraignant que ce qui relève du domaine chimique ou technique.

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