Droit de chasse et réserves à l’époque moderne
Andrée Corvol
Andrée Corvol « Droit de chasse et réserves à l’époque moderne », XVIIe siècle, 1, 2005 (n° 226), p. 3-16.
Extrait de l’article
Contrairement aux autres domaines forestiers, les lois sur la chasse n’abondent pas. Il y a l’ordonnance de 1669 et la loi de 1790, après quoi il faut attendre celle de 1844 ! Contrairement aux autres domaines forestiers, les archives cynégétiques sont maigres. Elles éclaireraient les pratiques mieux que les ouvrages illustrés et les traités savants. Évidemment, en ce sens, une telle lacune renseigne sur le caractère consensuel et privatif de la question ! Mais ce n’est pas cette remarque qui peut dissiper l’ambiguïté du silence. Signifie-t-il que les habitants sont si vertueux que la verbalisation est inutile ? Ou sont-ils si épris de chasse que les autorités inclinent à l’indulgence ? Elles reconnaîtraient ainsi l’inefficacité d’une pédagogie fondée sur la dissuasion par l’amende. Elles appréhenderaient aussi la colère que déclencherait une stricte application des textes...
Ces hypothèses renvoient aux relations que l’ensemble de la société entretient avec le monde des chasses. Dans un cas, les sujets du roi observent scrupuleusement les restrictions imposées. Ce degré d’obéissance suppose quelques exutoires, voire quelques compensations. Leur distribution dépend des bienheureux qui détiennent une chasse ou le droit de chasser. Dans l’autre, les propriétaires sylvicoles témoignent d’une négligence proprement stupéfiante. Cette attitude caractérise même le monarque ! La situation est paradoxale. Car Sa Majesté refuse toute concurrence dans son divertissement et possède, pour écarter les indésirables, les moyens de la toute-puissance. Les Grands du royaume ne sont pas en reste. Ils imitent l’auguste exemple, mais innovent parfois, aussi. Ces leçons sont récupérées par l’administration des chasses.