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Corps de Reine. Du corps sublime au corps souffrant d’Élisabeth de Valois (1546-1568) 

Sylvène Edouard

Sylvène Edouard, « Corps de Reine. Du corps sublime au corps souffrant d’Élisabeth de Valois (1546-1568) », Chrétiens et sociétés, 12, 2005, 9-28.

Extrait de l’article

Le 2 avril 1546, naissait à Fontainebleau, Élisabeth de Valois, deuxième enfant d’Henri II et de Catherine de Médicis. De sa naissance à sa mort en couches, en octobre 1568, son corps fut dévoué à la politique de la maison de France. Dès juin 1546, il servit à sceller la paix avec Henri VIII d’Angleterre, son parrain, lors de son baptême à Fontainebleau. Les années suivantes furent celles de l’apprentissage du corps en majesté pour assumer son rang à la Cour et se préparer à de plus grands desseins. Elle devait être de nouveau l’objet politique de la paix, qui fut scellée en 1559 au Cateau-Cambrésis, et qui la consacrait au roi d’Espagne Philippe II. Par la pratique d’un corps qui ne s’appartient pas, le corps d’Élisabeth de Valois fut un corps de reine dans le maintien strict de sa personne, dans l’étiquette de la Cour, dans la belle apparence des parures et des portraits. Ce fut aussi un corps de reine dans sa chair douloureuse, objet politique de chair et d’os, négocié et livré comme enjeu de la paix, avec le devoir de plaire pour garantir ses chances d’enfanter jusqu’à en mourir.

Les correspondances de Catherine de Médicis avec ses ambassadeurs à Madrid et les mémoires des Français, ayant servi ou approché la jeune reine, rendent compte de l’attention portée au moindre de ses maux, autant par affection sincère que par souci de suivre dans le détail ce qui aurait pu, à terme, altérer les relations amoureuses du couple, relations assurant la pérennité de l’alliance franco-espagnole. Ces témoignages passent sans cesse de l’inquiétude au contentement, de l’évocation des maux de la reine à l’évocation de son pouvoir de séduction sur le roi et sa Cour. Au cœur de cette dialectique du sublime, se trouve le corps, mais il ne saurait s’agir du même corps que celui du roi ; le double corps juridique et physiquement mortel théorisé par Ernst Kantorowicz, voire même le corps triple, selon Louis Marin, qui rajoutait aux deux précédents, le corps « sacramentel », c’est-à-dire celui de la représentation signifiante. Le corps de la reine, quant à lui, est un corps unique, emblème de ce que doit être un corps maîtrisé, contenu et livré à sa seule fonction politique, c’est-à-dire un corps majestueux et magnifique mais aussi un corps devant assumer, dans sa chair, ses responsabilités politiques, celles de se gouverner et d’enfanter.

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