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Éthique et portrait du prince chrétien. Le cas du roi de France Henri II 

Sylvène Edouard

Sylvène Edouard, « Éthique et portrait du prince chrétien. Le cas du roi de France Henri II », Chrétiens et sociétés, 20, -1, 7-30.

Extrait de l’article

Le corps du roi, dans l’espace de sa représentation publique, est un communicant performant de sa puissance. Lorsqu’il est en mouvement, se lève, prie, déjeune, danse, s’exerce, reçoit ou travaille, tout geste se fait communication, tout geste est un langage élaborant une grammaire visuelle du pouvoir. Cette rhétorique corporelle de la majesté relève d’un ensemble de traditions et de circonstances issu des héritages politiques et théologiques, des conditions culturelles et surtout de la personnalité et du physique du prince. L’habitus qui en résulte, selon la définition donnée par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque au livre II, recouvre l’essence de l’être – en somme la condition de ce qui le détermine – et la vertu morale en est le fruit, ainsi que saint Thomas d’Aquin le conçut plus tard comme l’intériorisation des vertus propres à perfectionner moralement l’individu. Or la grande idée aristotélicienne défendue dans cette perspective est justement que la vertu s’enseigne. Celle-ci est donc une pratique autant qu’un savoir selon un processus comparable à la maîtrise des arts qui en rend les effets permanents. Nicole Oresme, dans son interprétation de l’Éthique dédiée à Charles V en 1370, associait ainsi cette « vertu » à un « habit » ou « coustume ferme et estable » qui s’acquiert par l’exercice même de la vertu. Dans cette perspective, l’habitus du corps du prince peut être conçu comme la représentation d’un idéal de vertu ; mais selon quelles conditions ? Si l’habitus s’élabore à partir des dispositions acquises depuis l’enfance et se manifeste par l’« hexis corporel », à savoir des manières vertueuses d’agir et de se comporter dans le monde, comment le prince devient-il un prince chrétien ? Dans un contexte donné, l’habitus ne saurait être pensé en dehors de ses contingences, ce qui va à l’encontre d’une certaine approche sociologique du pouvoir incarné qui serait naturellement charismatique et maître de sa façon d’être.

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