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Le costumier, l’artisan et l’habit de cour  : créer, fabriquer et représenter le gentilhomme sur scène et à l’écran

Sylvie Perault

Sylvie Perault, « Le costumier, l’artisan et l’habit de cour  : créer, fabriquer et représenter le gentilhomme sur scène et à l’écran », Apparence(s), 6, 2015

Extrait de l’article

Lorsque, dans le courant des années 1980, Stephen Frears décide d’adapter Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos à l’écran, le monde des costumiers et des artisans du spectacle parisiens est en effervescence. D’une part, les Américains ont pour réputation de ne pas lésiner sur les prix de revient des costumes – tous accessoires confondus – afin d’être au plus près des souhaits du réalisateur et de l’ambiance d’une période donnée. D’autre part, le créateur de costume choisi pour l’occasion jouit d’une renommée internationale : il s’agit de James Acheson, déjà détenteur d’un Oscar pour Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci (1987). Le budget costumes des Liaisons est moins important que celui de Bertolucci, qui avait battu les records du moment avec 30  % de la somme totale, mais là encore, les moyens sont mis en place afin que le film soit, au moins, une réussite esthétique. Même si l’action ne se passe pas directement à la cour du roi, c’est bien une marquise de Merteuil et un vicomte de Valmont, vêtus luxueusement selon les exigences de leur rang, que le spectateur verra à l’écran et ce, dès la scène liminaire du film. Ces considérations financières peuvent sembler vénales  ; elles sont pourtant la clé de voûte de la réussite d’un film dont le cadre est historique. La question des costumes et de leur prix de revient est une constante  : Georges Annenkov, costumier-réalisateur, y faisait déjà allusion dans les années 1950. Le rôle du Roi-Soleil auquel il fait référence est une figuration dans un film qu’il ne cite pas  :

[…] les costumes neufs pour les figurants ne sont pas prévus dans le devis [dit le directeur de production]4.
— Un figurant pour votre devis, peut-être  ; mais pour le film c’est le Roi-Soleil, objecte le maquettiste.
— Trois mille cinq au maximum5  ! Trouvez-lui quelque chose en location, ce n’est qu’un figurant.
— C’est le Roi-Soleil, le plus somptueux des rois  !

Ce dialogue donne un aperçu des difficultés multiples que doit surmonter le costumier réalisateur pour obtenir ce qu’il souhaite et créer une atmosphère particulière, ici celle qui permet au spectateur de s’imaginer la vie de cour. Les considérations économiques renvoient à un environnement du costume de scène et de l’habit de cour qui s’éloigne de la représentation qui pourrait s’en dégager.

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