Auprès du roi, la Cour
Emmanuel Le Roy Ladurie
Emmanuel Le Roy Ladurie, "Auprès du roi, la Cour", dans Annales ESC, année 1983, vol. 38, n° 1, p. 21-41.
Extrait de l’article
Le problème des rangs à la cour de Louis XIV est bien connu notamment grâce aux mémoires de Saint-Simon et à la belle thèse de J.-P. Labatut. Les lettres de la Palatine alias Madame, quoique moins bien écrites que le texte du petit duc (il est vrai que la traduction d’allemand en français leur fait perdre de leur saveur), ont cependant l’avantage par rapport aux Mémoires d’être quelquefois plus ramassées, de dire plus de choses encore en moins de mots. On en jugera par la lettre suivante, datée de Versailles (27 déc. 1713).
... Mon fils est petit-fils de France. Les petits-fils de France sont au-dessus des princes du sang ; ils n’ont pas autant de privilèges que les enfants de France, mais ils en ont beaucoup plus que les princes du sang. Ainsi, mon fils mange à la table du roi, tandis que les princes du sang n’y mangent pas. Il n’a jamais pris le titre de premier prince du sang, car il n’est pas prince du sang, mais petit-fils de France ; c’est pour cela qu’on l’appelle Altesse Royale. Mais son fils, qui est le premier prince du sang, s’appelle Altesse Sérénissime et non Altesse Royale. Il n’est pas avec le roi matin et soir ; il n’y est que dans les grandes cérémonies, lorsque toute la famille mange avec le roi ; il n’a non plus aucun des privilèges qu’a son père, tels que carrosse cloué, premier écuyer, premier aumônier, etc. ; ses officiers ne peuvent ni ne doivent le servir devant le roi ; il n’a pas de gardes au château, et cent autres choses du même genre, à la différence de mon fils.