Du rang d’une « poupée » à la « déesse sur les nuées » : la Duchesse de Bourgogne selon les Mémoires, et ses effigies versaillaises
Hélène Himelfarb
Himelfarb, Hélène. Du rang d’une « poupée » à la « déesse sur les nuées » : la Duchesse de Bourgogne selon les Mémoires, et ses effigies versaillaises, Cahiers Saint-Simon, n° 31, 2003. Iconographie, Versaillaise des Mémoires, p. 3-20.
Extrait de l’article
Lorsque, la gorge serrée et l’âme rembrunie, l’on referme dans les Mémoires la chronique de cet hiver 1712 où succombe si brutalement la « nymphe », le « tourbillon », les « grâces », « l’âme des plaisirs », comment ne pas croire que ce feu follet a « voltig[é] » dans le texte de Saint-Simon depuis le récit de l’arrivée à Fontainebleau en novembre 1696 ? Telle est l’éloquence de la désolation et de la réminiscence, telle aussi la force de l’enchaînement avec ce qui va suivre : si la mort de la Duchesse de Bourgogne crée la pitié, celle de son époux crée la terreur ; car l’une puise dans la tendresse attentive de l’historien pour émouvoir la nôtre, mais l’autre entr’ouvre un abîme, métaphysique peut-être, religieux sûrement : la France tomba enfin sous ce dernier châtiment : Dieu lui montra un Prince qu’elle ne méritait pas », et c’est « la France » qu’on va « enterrer » à Saint-Denis où seront réunis les catafalques jumeaux conçus par Berain. La lumière chatoyante et le mouvement perpétuel évoqués chez la jeune morte prennent leur plein sens, sous la plume de Saint-Simon, de l’œuvre de ténèbres qui selon lui fauche d’un même coup, en quelques semaines, la princesse, le prince, et leur petit garçon : « Dauphine empoisonnée », « Le Dauphin empoisonné », assèneront les manchettes que l’écrivain, vers 1750, portera en titre courant dans les marges de son manuscrit.