Cartographie et culture princière en France au XVIe siècle
Margriet Hoogvliet
Margriet Hoogvliet, "Cartographie et culture princière en France au XVIe siècle", dans Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, année 2008, numéro 139, p. 124-128, mis en ligne le 05 janvier 2009.
Extrait de l’article
Loin d’être des notations neutres des contours de la terre, les cartes doivent être considérées comme un discours traduisant des idéologies politiques et, par conséquent, comme un instrument du pouvoir, comme un moyen de sa légitimation et parfois comme une prise de possession symbolique.
À partir du début du XVIe siècle les monarques européens se sont intéressés à l’établissement de documents cartographiques de leurs territoires. Les rois de France pouvaient seulement avoir recours aux cartes marines et aux cartes de la Gaule antique dans les éditions de la Géographie de Ptolémée. La première carte moderne et indépendante de la France est celle établie par Oronce Fine, intitulée Nova totius Galliae descriptio et imprimée à partir de 1525. Pour disposer d’une description plus détaillée du territoire, la régente Catherine de Médicis commanda vers 1560 à Nicolas de Nicolay une entreprise cartographique encore plus systématique : « La visitation et description générale et particulière du royaulme ». Sans doute à cause des troubles des guerres de Religion, seuls trois volumes furent complétés : les descriptions du Berry et du diocèse de Bourges (1567), du Bourbonnais (1569) et du Lyonnais et du Beaujolais (1573). Il s’agit de descriptions encyclopédiques et exhaustives, munies de cartes détaillées. Cependant, la mise en carte n’est pas de façon univoque une affaire du pouvoir politique qui cherche à soumettre ses sujets. Ainsi, en décrivant le diocèse de Bourges, Nicolay insiste sur les franchises et les privilèges des habitants de la ville.
Les cartes ont aussi joué un rôle important dans la culture princière du XVIe siècle. Par la possession de cartes évoquant des pays lointains de l’Orient et du Nouveau Monde, les rois cherchèrent en effet à légitimer leurs droits sur ces territoires. Certaines prophéties apocalyptiques jouèrent aussi un rôle. Plusieurs textes annoncent la venue d’un monarque depuis l’Occident préalable à la venue de l’Antéchrist et au Jugement Dernier. Un souverain qui s’affichait avec un globe ou une carte du monde pouvait ainsi être considéré comme ce dernier monarque destiné à soumettre le monde entier.