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Le premier médecin du roi Poirier et la création du premier bureau des eaux minérales à Paris (1716)

Alexandre Lunel (éd.)

Comment citer cette publication :
Lunel, Alexandre (éd.), Le premier médecin du roi Poirier et la création du premier bureau des eaux minérales à Paris (1716). Document inédit publié le 1er février 2010 sur Cour de France.fr (https://cour-de-france.fr/article1409.html).

Le règlement du bureau des eaux minérales établi à Paris est élaboré le 19 août 1716 par le premier médecin du roi Poirier. Si son prédécesseur, Fagon, avait défini les conditions pour prévenir le commerce clandestin, il restait désormais à Poirier à veiller à l’organisation de toutes les opérations de distribution des eaux par la création d’un bureau chargé d’encadrer les règles de commercialisation de l’eau en bouteille. Pourvu d’un règlement précis, il a pour ressort Paris, sa banlieue, Versailles et Saint Germain en Laye. A sa tête, un certain Jacques Duhamel qui en est nommé syndic pour une durée de deux ans. Sa fonction ? Veiller à son bon fonctionnement et empêcher toutes fraudes ou malversations. Ce dernier n’a pas de compte à rendre excepté au premier médecin/surintendant des eaux et ne peut être révoqué que par lui s’il advenait qu’il s’acquitte de sa tâche avec négligence. Les deux associés de Duhamel ne sont autres que les dénommés d’Aumont et Alleaume qui avait obtenu de Fagon un brevet en 1713 les autorisant à exploiter, transporter et vendre les eaux minérales et médicinales. Ils disposent pour officier, à côté du magasin des eaux, d’une boutique donnant sur rue pour servir de bureau de vente et de distribution. Tour à tour et chaque semaine, un des associés assure la distribution des eaux jour et nuit ; en cas d’empêchement valable, il a la possibilité de commettre une personne pour le remplacer. Il doit tenir un registre comptable dans lequel est mentionné le nombre de bouteilles vendues ainsi que les jours de vente. A la fin de son service hebdomadaire, le « distributeur sortant » devra rendre à ses confrères un compte fidèle du produit de la semaine. Des mesures très strictes sont prévues afin d’assurer au public une réelle qualité du produit. Tout d’abord, en précisant que les eaux seront toujours vendues selon l’ordre de réception. De fait, le syndic reçoit le pouvoir de jeter ou de faire jeter les eaux qui lui sembleront viciées. A ces règles d’« hygiène » s’ajoute une réglementation très rigoureuse de la procédure de mise en vente des bouteilles. Le règlement prévoit qu’aucune bouteille ne sorte du magasin pour être acheminée au bureau de distribution sans son étiquette signée par les trois associés et le sceau du premier médecin. Enfin interdiction est faite aux associés d’envoyer quérir au bureau aucune eau minérale pour les vendre ou délivrer chez eux ou ailleurs : les eaux ne seront vendues qu’au bureau de distribution à peine de révocation pour les contrevenants de leur privilège assortie de cent livres d’amende. S’il s’agit d’une fraude ou d’une malversation, chaque associé sera condamné à deux mille livres et sera exclu du bureau. Les distributeurs d’eau sont placés sous la surveillance d’un inspecteur établi par le premier médecin qui procédera à des visites de contrôle. L’inspection achevée, il adressera un rapport écrit au premier médecin et celui-ci décidera s’il y a lieu de le transmettre au lieutenant général de police. Outre les visites, les associés sont tenus, le dernier jour de chaque mois, de délivrer au surintendant un état fiscal et exact du nombre de bouteilles d’eaux minérales vendues ou non. Poirier ne peut assister très longtemps au succès de « sa » création. Il décède deux ans et demi après avoir accédé à la charge de premier médecin, le 30 mars 1718.

Document : BIUM, Ms 2006, Fol. 302
« Règlement concernant les eaux minérales et médicinales qui se débitent à Paris et les personnes qui en font le commerce (19 août 1716) ».

« Ayant par notre brevet ou lettre du vingt avril de la présente année, commis et nommé des personnes pour faire puiser, charger et voiturer toute sorte d’eaux minérales et médicinales et d’icelles faire le transport, la vente et le débit tant à Paris et sa banlieue, qu’à Versailles, Saint Germain en Laye et suite de la Cour, nous avons cru en faveur du public devoir mettre quelque ordre dans cette sorte de commerce pour empêcher que les abus ne s’y glissent derechef, et établir en même temps des règles entre ces personnes qui facilitent la régie et administration de leurs affaires pour la conservation de leur établissement, lequel comme nous l’espérons deviendra de plus en plus avantageux au public.
1. Les associés et ceux qui leur succèderont dans ledit emploi et commission du commerce des eaux feront dire à six heures du matin le premier lundi de chaque mois une messe pour la santé du roi.
2. La paix, l’union et la concorde règneront toujours entre-eux et en cas qu’il leur survient quelque différent ou contestation, ils la feront aussitôt régler par arbitre.
3. Leur magasin commun ou bureau général sera fermé par différentes clefs, de manière à ce que les uns ne puissent rentrer sans les autres, et notre cachet ne sortira jamais de ce bureau où il sera fermé dans son coffre qui ne pourra s’ouvrir qu’en la présence des associés et par le concours de leurs différentes clefs afin qu’il n’en soit fait d’autres usages que pour ce qui regarde le bien du public.
4. A côté du magasin des eaux, il n’y aura une boutique sur rue pour servir de bureau de vente ou de distribution.
5. Les associés ne pourront faire venir aucune eau minérale que dans des bouteilles de verre bien conditionnées à peine de cent livres d’amende.
6. Ils feront tour à tour et par semaine la distribution des eaux, et s’ils ne le peuvent pas par quelque empêchement valable, ils pourront commettre en leur lieu et place telle autre personne qu’il leur plaira pourvu toutefois qu’elle sache écrire et soit capable de bien servir et contenter le public.
7. Les eaux seront toujours vendues et distribuées selon l’ordre de leur réception, c’est-à-dire que les premières arrivées au magasin se débiteront les premières, supposé qu’elles conservent encore leurs vertus car autrement nous entendons qu’elles soient jetées.
8. Celui qui sera de semaine de distribution ne vendra aucune bouteille d’eau sans qu’auparavant il n’ait écrit dessus le jour qu’il la vend.
9. Il sera aussi tenu d’écrire sur une feuille de distribution signée en tête par lui la vente de chaque bouteille
10. Il sera jour et nuit au bureau sans que pour quelque cause ou prétexte que ce puisse être, il l’abandonne si ce n’est pour le cas mentionné à l’article VI.
11. Le distributeur sortant de semaine, et après que le travail mentionné aux articles XI et XVII du présent règlement sera fini, rendra un fidèle compte du produit de la semaine, et donnera sur le champ à chacun sa part et portion en argent comptant, s’il l’a tout reçu à peine de cinquante livres d’amende, moitié applicable au procureur de ladite greffe et l’autre moitié à l’entretien du bureau.
12. Tous les samedis depuis trois heures après-midi jusqu’à sept s’il le faut, les associés pour exécuter ce qui est porté dans les articles ci-après se rendront dans le magasin général.
13. On tirera du magasin commun les marchandises nécessaires pour remplir le nombre de celles qui auront été rendues la semaine précédente, et promouvoir à la fourniture et approvisionnement du bureau de distribution.
14. Les marchandises ne sortiront point du magasin pour être transportées dans le bureau de distribution qu’elles ne soient cachetées, de notre cachet par le syndic ou en sa présence, et qu’après il aura été collé sur chaque bouteille une étiquette en la forme énoncée dans notre brevet du mois d’avril.
15. Les étiquettes seront signées dans lesdits magasins par les trois plus anciens des associés en suivant l’ordre de réception et seront ensuite enfermées et gardées soigneusement.
16. Dans l’assemblée du samedi, celui qui sera de semaine écrira sur son registre les marchandises arrivées pendant le cours de sa semaine, et fera les autres écritures nécessaires, ensuite de quoi les associés prendront des mesures raisonnables à la pluralité des voix pour se fournir de marchandises, de manière qu’il n’y en ait ni disette ni abondance, crainte de corruption et pour prévenir autant qu’il dépendra d’eux tout sujet de plainte de la part du public.
17. Si l’après-midi ou samedi ne suffisent pour l’entière exécution de ce que dessus, le reste sera remis au lundi d’après et à pareille heure, aussi que la reddition des comptes de la semaine finissant ; lequel compte ne sera cependant rendu qu’après qu’il n’y aura plus d’étiquette à coller, de bouteilles à cacheter, et d’écritures à faire ; ouvrages que nous voulons qu’ils soient partagés entre tous les associés pour que l’on ne travaille pas plus que l’autre, et que tout soit fait avec diligence s’il est possible.
18. N’entendons point que le service soit interrompu pour l’exécution de ce que dessus, c’est pourquoi s’il se trouve quelque jour de fête le samedi ou le lundi, les vacations seront remises au premier jour suivant non fêté.
19. Pour la conservation, l’entretien du bureau général, chaque associé laissera dans le coffre le jour de la reddition des comptes un quart du produit de la semaine, afin que les fonds ne manquent point pour les besoins qui pourront survenir de quelque nature qu’ils puissent être, et leur contribution ne cessera que quand le syndic trouvera que la masse sera suffisante, et en cas qu’elle ne le fut pour dans certaines conjonctures, chaque associé fournira sur sa part pour le supplément.
20. Les eaux minérales ne seront rendues que suivant la taxe portée par notre brevet du vingt avril à peine de l’exécution pour toujours du privilège et de la société contre les délinquants.
21. Les lettres portant ordre pour les voyages en commission seront toujours signées des noms des plus anciens associés à peine d’être réputées écrites en fraude de la société
22. S’il y avait quelque fraude ou malversation au préjudice du public, ou de la société, chaque associé en particulier pour son soin personnel sera condamné de payer en faveur de l’hôpital général la somme de deux mille livres, et exclu pour jamais de ladite société et de son privilège.
23. Les marchandises viendront au nom des privilégiés et associés pour les eaux minérales, à l’adresse de la rue du bureau général, pour que les bouteilles qui ne seraient pas cachetées, le puissent être en arrivant.
24. Chaque associé avant de voiturer ou de faire voiturer quelques eaux minérales directement ou indirectement pour quelque personne de distinction ou communauté que ce puisse être sera tenu d’avertir ses confrères, et de leur faire part du profit.
25. Défendons aux associés d’envoyer quérir au bureau des eaux minérales pour les vendre et délivrer chez eux ou ailleurs. Voulons pour prévenir toute occasion de fraude qu’elles ne soient vendues et délivrées qu’au bureau de distribution.
26. L’un des associés sera syndic et directeur général et aura deux voix dans l’assemblée qui concernera la régie l’administration tant du magasin et du bureau de distribution que de toutes les affaires qui regardent les marchandises lesquelles il aura soin de visiter tant de jour comme de nuit dans les bureaux et lieux en dépendant pour nous rendre compte qu’il ne s’y passe rien de préjudiciable au public contre l’intérêt de la société. A l’effet de quoi, nous nommons pour deux années à compter d’aujourd’hui Jacques Duhamel.
27. Voulant que les associés aient pour le syndic en charge tous les égards et déférences, qu’ils la pourront exiger de lui ci pareille place, qu’ils ajouteront foi à tout ce qu’il annoncera de notre part, et qu’ils considèreront que nous le faisons dépositaire d’une partie de notre autorité.
28. La fonction de syndic consistera en outre à veiller soigneusement à l’empêchement ou découverte de fraudes, malversations, abus et contraventions.
29. Comme le bien du public d’où faire la plus grande attention, et l’emporter dans toutes les occasions sur l’intérêt de la société, et même sur le sien en particulier, nous lui donnons pouvoir de jeter ou faire jeter les eaux qui lui paraîtront corrompus.
30. Il ne se pourra faire aucun voyage concernant les affaires de la société que le syndic n’y confirme pas écrit, auquel cas les frais seront remboursés à celui qui les aura faites suivant l’arrêt du syndic au bas du mémoire qui lui en sera présenté et lorsqu’il sera besoin que quelqu’un se transporte aux endroits où se puisent les eaux.
31. Dès le quinze juin de chaque année, le syndic aura soin de faire afficher que les associés travailleront à l’établissement des relais sur la route de Forges pour que les personnes qui voudront prendre les eaux donnent leurs noms et demeures, afin que les associés puissent savoir précisément les jours et la quantité de caisses qu’ils feront venir.
32. Défendons aux gens que le syndic aura commis pour les relais de Forges de mettre autre chose que des bouteilles d’eaux à peine de trente livres d’amendes.
33. Chaque panier dans lequel il y aura des bouteilles d’eaux aura un couvercle fermant avec un cadenas dont le fontainier de Forges, le commis des entrées de Paris et l’associé de semaine au bureau de distribution auront chacun une clef et si besoin est, il y en aura une quatrième dans le bureau de Saint Germain en Laye.
34. Un des deux associés pourra aller sur la route de Forges pour voir et observer si leurs gens des relais font bien leur devoir et s’il ne s’y passe point de fraude et malversation au préjudice du public, et de la société.
35. Il ne sera avancé aucun argent aux gens des relais su consentement par écrit du syndic.
36. Il sera tous les jours à onze heure du matin déposé dans un coffre une somme équivalent à celle de la dépense des relais et des frais de bouteilles, à laquelle somme déposée chacun fournira sa part en portion, après que le distributeur aura à cet égard rendu son compte journalier, en sorte qu’à la fin des relais, il se trouve dans le coffre de quoi payer le fontainier et les gens de relais.
37. Tant que les relais subsisteront et trois jours après la cessation, l’associé sortant de semaine de distribution, sera tenu indispensablement de coucher ou faire coucher quelqu’un au bureau pour qu’à l’arrivée du relais, on sache si véritablement il s’y est trouvé des bouteilles cassées, et que la distribution des paniers ne se fasse sans qu’on y colle des étiquettes qui portent le jour de l’arrivée des bouteilles, et il sera tenu à la distribution jusqu’à onze heure formée, après quoi les bouteilles restantes dudit relais seront mises dans le magasin à l’effet de quoi les associés seront tenus de se transporter au bureau à ladite heure.
38. Si pendant le temps des relais on est contraint de faire quelques recouvrements de dettes, se fera par chacun des associés tour à tour, et de quinzaine en quinzaine sur des mémoires quittancés.
39. Les eaux de Forges qui ne viendront pas par relais seront cachetées de notre cachet avant d’être déposées dans le magasin d’où au bout de huit jours, nous ordonnons qu’elles soient tirées et jetées, attendu qu’elles n’ont plus alors aucune vertu ni bonne qualité.
40. Le lundi de la première semaine de Carême de chaque année, il sera fait sans discontinuation tous les jours après-midi pendant quatre heures un inventaire de toutes les eaux minérales qui se trouveront en nature dans le magasin et bureau pour les premières portées à l’article XII lequel inventaire étant clos et achevé, il sera délibéré par écrit par écrit entre les associés de quelle espèce d’eaux, quelle quantité et en quel temps ils sont d’avis de les faire venir pour la fourniture et entretien du magasin pendant l’année, ayant égard à la consommation qui s’en est faite l’année précédente ; par écrit également la disette et l’abondance, en ce qui ne doit être entendu que de celles entre les différentes eaux minérales qui se peuvent garder bonnes pendant le cours de l’année et non des autres.
41. Ladite délibération étant faite, le transport des eaux de Sainte Reine sera organisé dans les conditions mentionnées à l’article XLII.
42. Lorsqu’il s’agira de faire emplir les eaux de Sainte Reine pour charger les voitures, chaque
associé fournira le nombre de bouteilles vides dont il pourra être tenu pour sa part et portion suivant ladite délibération.
43. Il sera fait chaque année de six mois en six mois le jour que le syndic trouvera à propos, deux révisions des comptes après chacune desquelles lesdits associés se donneront réciproquement quittance générale en bonne forme pour qu’en cas de mort de part et d’autre, la succession se trouve sans embarras et entièrement déchargée.
44. Nous nous réservons le droit de faire visiter toutes les fois qu’il nous plaira le bureau et magasin des associés à l’effet de quoi ils nous délivrerons les clefs et payeront pour chaque visite la somme que nous ordonnerons et croirons être juste et raisonnable. Ils rembourseront aux personnes que nous chargerons de veiller sur leur envoi de marchandises, les porteurs de lettres d’arrivée qu’ils auront reçues sur ce sujet, tant des officiers et fontainiers que de tous les autres correspondants qui veillent pour empêcher les abus que pourraient commettre les associés au préjudice du public.
45. Les personnes que nous aurons député pour faire la visite du magasin et bureau, nous en ferons leur rapport par écrit pour être ensuite renvoyé, si nous le jugeons nécessaire à M. le lieutenant général de police de cette ville afin qu’il se prononce sur icelui.
46. Indépendamment desdites visites, nous voulons que le dernier jour de chaque mois, les associés nous délivrent un état fidèle et exacte signé de leur main du nombre de bouteilles de toutes leurs différentes eaux qui seront dans le bureau et magasin, en marquant quand elles y seront arrivées, le jour de leur départ, les fontaines où elles auront été puisées, et le nom et demeure du correspondant qui les aura envoyées, faute de quoi les associés subiront chacun en particulier les peines portées au vingt deuxième article dudit règlement.
47. Enfin nous leur enjoignons d’enregistrer le présent règlement pour être exécuté selon la forme et teneur, ainsi que ce qui est porté dans notre brevet du vingt avril duquel enregistrement ils nous fourniront leur certificat dans quinzaine, et copie dudit règlement signé d’eux. En témoin de quoi nous l’avons signé et contresigné par notre secrétaire ordinaire, et à icelui apposer le cachet de nos armes, fait double à Paris le dix neuf jour du mois d’août de l’année 1716. Signé Poirier, et plus bas par Monsieur le premier médecin du roi, signé Vaillant.