Désordre et divertissement : les excès de langage de madame Palatine dans les Mémoires de Saint-Simon
Aurélie Bonnefoy-Lucheri
Bonnefoy-Lucheri Aurélie, « Désordre et divertissement : les excès de langage de madame Palatine dans les Mémoires de Saint-Simon », Cahiers Saint Simon, n° 47, 2019. Saint-Simon et les égarements du Langage. Journée d’études du samedi 16 mars 2019, p. 25-40.
Extrait de l’article
«Il y a un pays où les joies sont visibles, mais fausses, et les chagrins cachés, mais réels. Qui croirait que l’empressement pour les spectacles, que les éclats et les applaudissements aux théâtres de molière et d’arlequin, les repas, la chasse, les ballets, les carrousels couvrissent tant d’inquiétudes, de soins et de divers intérêts, tant de craintes et d’espérances, des passions si vives et des affaires si sérieuses ? » La Bruyère dévoile dans ce fragment l’ambivalence profonde qui anime la Cour, monde qui accumule les distractions, mais monde d’illusions, d’apparences, de mensonges, où spectacle et refoulement ont partie liée. Le moraliste révèle ainsi la fonction profonde du divertissement : détourner l’esprit de ses mouvements violents, obturer l’expression des passions, ces perturbations néfastes qui nuisent à l’ordre de l’âme et du royaume. Les spectacles, et les modèles de sociabilité qu’ils diffusent, contribuent en effet à la confiscation de la violence de l’individu par l’état centralisateur ; à cet égard, les bienséances et la politesse constituent les éléments centraux du processus de civilisation mis en évidence par norbert Elias3. Spectacle, pouvoir, passion et langage entretiennent des relations complexes que la vision profonde de Saint-Simon ne manque pas de mettre en lumière. En témoignent deux épisodes savoureux des Mémoires, distants de neuf ans, mais indissociablement liés : l’annonce du mariage du duc de Chartres, fils de monsieur, et de madame Palatine, avec une bâtarde de Louis XIV et de mme de montespan, dans la chronique de 1692 ; puis la réconciliation de madame et de mme de maintenon, qui constitue le dénouement de ce drame familial en juin 1701.
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