Fleurs des pois et autres fleurs
Frédéric Briot
Briot, Frédéric. Fleurs des pois et autres fleurs, Cahiers Saint-Simon, n° 42, 2014. Eros chez Saint-Simon. Journée d’études du samedi 8 mars 2014, p. 71-82.
Extrait de l’article
Eros, forcément, partout. Et donc, partout, à Versailles. Là, sous nos yeux, dans les jardins : le Temple de l’Amour, et sa statue de Cupidon, la fontaine ornée de Cupidon, tant d’autres, et peut-être, si l’on y rêve, la mémoire de l’air et des bosquets. Ne disons rien, à l’intérieur, des tableaux, ou des objets peints, des diverses miniatures. Et, jusque dans les écuries, on ne jurerait pas que... Eros n’est pas ici atopique, ou alors s’il l’est, c’est dans son ubiquité même... Une ubiquité épidémique... Du reste aujourd’hui même, on tape sur bing « cupidon à Versailles », et, bingo, les trois premiers sites qui apparaissent sur l’écran sont des sites de rencontres...
Certes, en bon aristotélicien, nous voulons bien volontiers croire que la représentation de la chose n’est pas la chose. On le sait bien, mais quand même...
Pourtant, dans les Mémoires du duc de Saint-Simon, Cupidon est, de nom, absent. Le nom, commun, le plus proche à l’oreille, que l’on y pourra trouver est celui de cupidité : hasard, ou pas, c’est pour une large part ce qui nous pourra occuper ici. Ce dieu n’y est présent que par quelques petites traces, parfois positives, parfois beaucoup plus improbables, voire paradoxales. Voici le cardinal de Rohan : « Il était assez grand, un peu trop gros, le visage du fils de l’Amour, et outre la beauté singulière, son visage avait toutes les grâces possibles, mais les plus naturelles, avec quelque chose d’imposant et encore plus d’intéressant ». Mais Cupidon peut aussi être plus disséminé, et plus politique ; même la religion et ses fastes ne lui sont pas étrangers. Voici le sacre de l’abbé de Soubise (soit le même personnage, mais plus jeune) :
Il n’y avait point de plus beaux visages, chacun pour leur âge, que ceux du consécrateur et du consacré ; ceux des deux assistants y répondaient ; les plus belles dames et les mieux parées y firent cortège à l’Amour, qui ordonnait la fête avec les Grâces, les Jeux et les Ris ; ce qui la fit la plus noble, la plus superbe, la plus brillante et la plus galante qu’il fût possible de voir.