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Je rien dirai que ce qui ne pourra s’en taire : fragments d’un discours de ces choses de galanteries, qui pour avoir vieilli, ne se pardonnent point

Emmanuèle Lesne-Jaffro

Lesne-Jaffro, Emmanuèle. Je rien dirai que ce qui ne pourra s’en taire : fragments d’un discours de ces choses de galanteries, qui pour avoir vieilli, ne se pardonnent point, Cahiers Saint-Simon, n° 42, 2014. Eros chez Saint-Simon. Journée d’études du samedi 8 mars 2014, p. 35-46.

Extrait de l’article

Engagée dans les méandres des Mémoires à la recherche d’Eros, j’ai été conduite à un double constat. Des souvenirs du texte à la relecture, le fossé est grand. Autrement dit, on rêve ce texte, dans l’intervalle de ses lectures : c’est certainement une qualité des Mémoires de Saint-Simon, une spécificité du genre et sans doute particulièrement lorsqu’il s’agit de récits engageant la sexualité. Le deuxième constat est que Saint-Simon esquive le propos sur la galanterie ou les relations amoureuses, par pudeur, par indifference, par effroi ; mais on peut le soupçonner aussi d’une certaine malice à manier l’allusion. La réticence à dire « les choses de galanterie » n’exclut pas une intention d’en dire moins pour en laisser imaginer davantage ; le piège se referme sur le lecteur : on a l’illusion d’avoir lu beaucoup d’anecdotes mettant en jeu la sexualité, et l’on en est finalement réduit à en glaner les maigres traces.

Si Bussy-Rabutin, mémorialiste assez méprisé par Saint-Simon, ou encore madame de Sévigné qu’il a manifestement lue, sont incomparablement moins prudes que le duc et n’hésitent pas à plaisanter de mésaventures amoureuses, Saint-Simon a l’art d’en laisser entendre beaucoup plus qu’il n’en dit. Ses Mémoires ont cette faculté de faire miroiter les reflets d’autres voix (car les fragments d’histoires grivoises sont toujours rapportés par d’autres) et d’autres textes, tout en restant dans les bornes d’une bienséance maîtrisée.

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