L’amitié féminine et Agrippa d’Aubigné
Amy Graves
Graves, Amy. L’amitié féminine et Agrippa d’Aubigné, Albineana, Cahiers d’Aubigné, 25, 2013. Meilleurs amis, meilleurs ennemis : autour d’Agrippa d’Aubigné, sous la direction de Marie-Hélène Servet, p. 45-60.
Extrait de l’article
Agrippa d’Aubigné manifeste une telle présence dans ses écrits, et une telle chaleur émane de ses pages, qu’il est facile, malgré les quatre siècles qui nous séparent de lui, d’imaginer la possibilité de l’amitié avec l’auteur. En revanche, le caractère irascible et la fougue inimitable du même homme venant aussitôt à l’esprit, il est tout aussi possible de nous imaginer brouillés avec l’intraitable homme de convictions. Poser la question de l’amitié chez d’Aubigné veut dire sonder les relations d’intimité et la réciprocité dans la durée. Car le statut d’ami d’Agrippa d’Aubigné était parfois une affaire intermittente ou du moins une condition marquée par l’incertitude et le risque d’un jugement sévère. Or la qualité d’amie du poète soldat était un état si rare qu’il faut se demander si l’amitié féminine est une question envisageable. À la différence de Jean-Jacques Rousseau, qui semble au fil des années incapable de garder un ami mais dont les rapports avec les femmes ont souvent la douce chaleur de l’amitié tendre, Aubigné s’entoure d’amis à qui il se lie volontiers sans pour autant entretenir le même lien avec les femmes. À vrai dire, il a des difficultés à garder avec la femme l’équilibre qu’exige le rapport amical. Cette étude donc veut interroger les conditions de l’amitié au féminin pour savoir où l’élection d’un individu femme a lieu dans l’univers albinéen. Elle tentera aussi de cerner les effets esthétiques des hésitations et des bouleversements du poète.