L’oubli du don. Deux figures d’opposition au roi absolu : Saint-Simon et Montesquieu
Alain Guery
Guery, Alain. L’oubli du don. Deux figures d’opposition au roi absolu : Saint-Simon et Montesquieu, Cahiers Saint-Simon, n° 27, 1999. Idées d’opposants au temps des Mémoires, p. 17-28.
Extrait de l’article
Les figures de l’opposition à Louis XIV que dessinent les œuvres de Saint-Simon et de Montesquieu sont contrastées. De plus, elles évoluent dans le temps de manière différente. Le duc avait gardé par devers lui les manuscrits de ses Mémoires et de ses textes que nous qualifions aujourd’hui, parfois trop rapidement, de politiques. Des extraits des Mémoires sont cependant publiés en 1788. Quatre volumes s’y ajoutent en 1789. Soulavie, qui les publie, amorce une édition complète en treize volumes après la Révolution mais ne présente au public qu’une suite d’extraits en 1791. Il faut ensuite attendre 1818 pour connaître une nouvelle édition d’extraits. Enfin, en 1829 et 1830, Sautelet publie la première édition complète en vingt et un volumes, réimprimée cinq fois avant que ne paraisse l’édition Chéruel à partir de 1856.
Les deux premiers temps forts de l’édition des Mémoires de Saint-Simon sont donc des périodes de la monarchie limitée, celle de la première phase de la Révolution française qui la met en place, et celle de la Restauration qui la remet à l’honneur, après les tourmentes de la Révolution et de l’Empire. On peut voir dans cette chronologie un indice de la manière dont est lue alors l’œuvre du duc de Saint-Simon. Connue jusque-là seulement de quelques-uns, elle devient disponible pour le plus grand nombre en des temps qui ne remettent pas en cause la monarchie, mais veulent rompre avec le caractère absolutiste qu’elle avait pris sous l’Ancien Régime. Les Mémoires sont d’abord lus comme un témoignage négatif sur l’Ancien Régime.