Regii apparates atque munera. Dons et contre-dons entre souverains francs et étrangers (VIIIe-IXe siècles)
Rodolphe Dreillard
Rodolphe Dreillard, "Regii apparates atque munera. Dons et contre-dons entre souverains francs et étrangers (VIIIe-IXe siècles)", dans Hypothèses, année 2001, numéro 1, p. 249-258.
Extrait de l’article
« Le mariage achevé, ils échangèrent apparats et présents royaux »
Cette notation des Annales de Saint-Bertin, au moment du mariage, en 856, de la fille du roi des Francs occidentaux, Charles le Chauve (840-877), avec le roi de Wessex Æthelwulf (832-858), rappelle que les Carolingiens ne faisaient pas exception à la règle qui veut que présents et festivités soient des éléments essentiels de toute prise de contact entre deux groupes humains étrangers. Il serait néanmoins naïf de croire que les biens qu’échangent deux chefs tribaux ou les objets offerts au souverain franc par les autres rois peuvent avoir la même valeur réelle et le même sens, symbolique, que les cadeaux, plus ou moins prestigieux, qu’échangent nos chefs d’État avec leurs homologues étrangers. Les Francs, quand ils se livraient à ces pratiques, étaient profondément influencés par les échanges de présents, de femmes, de rites qui constituaient aussi un aspect essentiel du fonctionnement interne de leur propre société, au sein de laquelle dons et contre-dons permettaient de réguler les conflits et de renforcer les alliances selon un véritable ars donandi. Il paraît donc raisonnable de s’interroger sur l’articulation qui pouvait exister entre ces deux phénomènes concomitants et sur l’influence qu’a pu avoir la pratique franque de l’échange sur la mise en place de systèmes de dons et de contre-dons entre souverains. Pour cela, l’analyse anthropologique du don semble être un outil particulièrement efficace, mais à condition de bien garder à l’esprit que, dans le cas présent, ce sont des groupes politiquement organisés et non des hommes seuls qui échangent.