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Corps du roi en scène 

Estelle Doudet

Estelle Doudet, « Corps du roi en scène », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 32, 2016, 13-17.

Extrait de l’article

En publiant Les Deux corps du roi en 1957, Ernst Kantorowicz a réorienté d’une façon décisive la compréhension des liens historiques noués entre pouvoir politique et représentation. Sa curiosité avait été piquée, indique-t-il dans son introduction, par l’apparente permanence d’une théorie qu’il propose de nommer « (in)corporation ». Le terme désignait d’abord l’association de plusieurs individus formant communauté ; mais Ernst Kantorowicz le fit rapidement glisser vers l’incarnation problématique qui se joue dans le corps de pouvoir. Le souverain se définit en effet par la manière particulière dont il prend corps et fait corps, synthétisant en sa personne ce qui le transcende et qu’il incarne, collectivité ou esprit supérieur. L’enquête de Kantorowicz a eu pour dessein de cerner le processus intellectuel qui, dans les espaces européens d’Ancien Régime, a conduit à l’articulation du corps physique et du corps métaphysique du gouvernant, au paradoxe d’une chair souveraine à la fois naturelle et symbolique. À la lumière des multiples sources examinées par l’historien, cette théorie a révélé des failles, comme l’impossible divinisation explicite du roi mortel dans les sociétés chrétiennes pour lesquelles l’Incarnation est l’apanage du Christ ; elle a surtout montré sa richesse et l’irrésistible séduction qu’elle a exercée sur les esprits jusqu’au seuil de la modernité.

C’est à partir des pouvoirs accrus dont a été revêtu le corps du roi absolu au XVIIe siècle que les chercheurs ont commencé à explorer les rapports entre cet imaginaire et les esthétiques qu’il mettait en jeu. En ajoutant à la théorie de l’incorporation politique la question du Portrait du roi, Louis Marin a naguère montré que le corps double du monarque, corps individuel, corps communautaire, apparaît au moins triple lorsqu’il est confronté à la puissance des images.

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